Un classique irréprochable sur l’essentiel, mais lacunaire et discutable sur certains pans du cinéma américain. La réédition en format poche du 50 ans de cinéma américain en édition revue et augmentée est une bonne nouvelle pour tous ceux qui avaient dû reculer devant le prix prohibitif (750 f !) de l’édition grand format. Les qualités […]
Un classique irréprochable sur l’essentiel, mais lacunaire et discutable sur certains pans du cinéma américain.
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La réédition en format poche du 50 ans de cinéma américain en édition revue et augmentée est une bonne nouvelle pour tous ceux qui avaient dû reculer devant le prix prohibitif (750 f !) de l’édition grand format. Les qualités du Tavernier/Coursodon ne sont plus à vanter, avec une étude approfondie de l’évolution de Hollywood de 1940 à 1993, un dictionnaire des scénaristes et des réalisateurs pourvu d’entrées très détaillées sur des metteurs en scène trop souvent délaissés : Henry Hathaway, André de Toth (augmenté d’un texte supplémentaire, remarquable), William Wellman… Pour le cinéphile pétri de cinéma américain, le Tavernier/Coursodon constitue un objet indispensable et une entreprise unique en son genre vu l’acharnement et l’honnêteté des auteurs qui remettent leur ouvrage en chantier tous les dix ans. Dans cette somme, on peut tout de même regretter l’incompréhension manifeste de Tavernier et Coursodon devant un certain cinéma américain des années 70 et toute la culture qui s’y rattache. On peut ainsi lire avec une certaine surprise que Pat Garrett and Billy The Kid de Sam Peckinpah souffre de la « pénible musique de Bob Dylan » ! Curieusement, dans le long paragraphe qu’ils consacrent à Love story d’Arthur Hiller, les deux auteurs ne semblent pas choqués par le bouillon de Francis Lai qui refilerait la migraine à un sourd. Difficile aussi d’omettre les études superficielles et partiales de William Friedkin et John Carpenter. Dans le cas de Friedkin (French connection, L’Exorciste, Cruising, Le Convoi de la peur, Police fédérale Los Angeles, rien que ça !), Tavernier et Coursodon ne retiennent que Le Sang du châtiment, dont le propos des plus douteux en faveur de la peine de mort semble avoir eu raison de leur vigilance. La manière dont est traité John Carpenter est encore plus discutable. On peut lire : « Assault on precinct 13 est l’une de ses rares œuvres réalistes », alors que des films comme New York 1997 et Invasion Los Angeles offrent une vision presque documentaire du ghetto urbain. Suprême ironie, seul le téléfilm de Carpenter sur Elvis trouve grâce aux yeux de Tavernier et Coursodon, alors que le metteur en scène du Village des damnés est l’un de ceux qui, aujourd’hui, maîtrisent le mieux le cinémascope. Comme si, de l’œuvre de Kafka, on ne retenait que ses rapports d’agent d’assurances. Déplorable aussi, l’absence inexplicable de Gordon Parks dont Shaft en 1972 marque pourtant une approche nouvelle du polar et le premier effort d’un genre nouveau, la blaxploitation, qui allait marquer le cinéma américain de cette décennie. D’ailleurs, aucun cinéaste afro-américain ne retient l’attention de Tavernier et Coursodon : parmi ces absents de marque, Ossie Davis, Melvin Van Peebles, Larry Clark, Charles Burnett. A l’heure où des cinéastes-vidéophiles comme Quentin Tarantino remettent à l’honneur sur le modèle des critiques-cinéastes de la Nouvelle Vague toute une génération de cinéastes ignorés comme Jack Hill, Michael Campus ou John Flynn, il est regrettable que Tavernier et Coursodon restent tout à fait imperméables à ce mouvement. Comme ils le sont vis-à-vis du cinéma gore des années 70 (rien sur Joe Dante, Wes Craven et Tobe Hooper) et du cinéma underground (absence de Jonas Mekas ou John Waters !). Sur le modèle du manifeste de Francis Lacassin, Pour une contre-histoire du cinéma, il semble qu’aujourd’hui une alternative plus curieuse et plus neuve s’impose en face de l’excellent mais trop institutionnel Tavernier/Coursodon.
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