Après Jauja, l’un des réalisateurs les plus intéressants d’Argentine nous prépare Eureka, dont nous connaissons déjà le casting 5 étoiles.
Nous n’avions pas de nouvelles du cinéaste argentin depuis son passage remarqué à Cannes en 2014. Jauja, son western métaphysique mené par Viggo Mortensen dans la pampa en Patagonie, avait alors fasciné plus d’un cinéphile… Aujourd’hui, Variety annonce que Lisandro Alonso retrouve son acteur pour un projet nommé Eureka, avec les actrices Chiara Mastroianni (Chambre 212) et Maria de Medeiros (Pulp Fiction). Ce sera donc le sixième long-métrage en 19 ans du cinéaste peu connu du grand public, mais très suivi par la communauté cinéphile internationale.
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Variation sur un même thème
Les films de Lisandro Alonso reposent tous, plus ou moins, sur le même fil narratif : un lien filial rompu, une vaine tentative pour le réparer. Mais chacune de ses réalisations décline le thème de la filiation sous des formes extrêmement diverses, passant de comédiens amateurs à une star internationale, d’un quasi-huis clos dans un bateau aux paysages infinis de la Patagonie, d’un réalisme contemporain à un film historico-mystique. A la sortie de Jauja, Serge Kaganski, alors critique aux Inrocks, décrivait ainsi la marque de fabrique du cinéaste : “Un cinéma de la solitude, contemplatif mais incarné, attentif aux corps, aux gestes et aux paysages (souvent ceux qui sont désertés par l’homme et par le cinéma).”
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Suite rêvée de Jauja…
Cette fois-ci, le réalisateur innove en reprenant des personnages rappelant ceux de son précédent film, le père et la fille de Jauja, respectivement interprétés par Viggo Mortensen donc et la jeune danoise Viilbjørk Malling Agger. Dans Jauja, la fille s’était enfuie par amour ; dans Eureka, elle est kidnappée par un hors-la-loi. Même si les acteurs reprennent plus ou moins les mêmes rôles, il ne s’agit en rien d’un sequel. La « partie 1 » du film se déroulera dans un canton à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, lieu de l’affrontement entre le père et le bandit kidnappeur. Ce dernier sera interprété par l’acteur-réalisateur iranien Rafi Pitts (Soy Nero). L’acteur mexicain Jose Maria Yazpik (Mr. Pig) sera aussi de la partie. Puisque le réalisateur nous a habitués à des sauts spatio-temporels et des structures narratives étranges, rien d’étonnant à ce que les « parties » suivantes n’aient a priori rien à voir avec la première.
… pour mieux décrire la colonisation.
Lisandro Alonso, toujours selon Variety, a exprimé des regrets concernant son précédent film. Il aurait aimé, dans Jauja, prendre le temps de décrire davantage le sort des peuples indigènes. En effet, bien que l’histoire se déroule au temps de la « conquête du désert » en Patagonie par le général argentin Julio Argentino Roca (de 1878 à 1984), nous ne voyons pas dans le film les exactions et les massacres perpétrés à l’encontre des Mapuches. Sous la forme de la métaphore, le film s’achève sur l’image de la chute du père, incarnant à lui seul le patriarcat colonisateur défaillant.
Loin d’un mode de figuration métaphorique, la partie 2 d’Eureka, « Pine Ridge » (la crête aux pins, ndlr), se déroulera de nos jours, au milieu d’une réserve amérindienne. Et la partie 4, « Amazonia », concernera Ubirajara, un membre d’une communauté indigène d’Amazonie qui attrape – littéralement précise le média – la fièvre de l’or. Dans un communiqué officiel, l’artiste exprime clairement son intention : “Je veux comparer les tribus indigènes d’Amérique du Nord avec celles d’Amazonie, qui ont échappé à la modernité dans l’espoir de préserver leurs traditions ancestrales […] J’aimerais que les spectateurs, nous tous, mais particulièrement les Sud-Américains, réfléchissent à où et comment nous devrions vivre, comment nous pourrions mieux vivre.”
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Une coproduction internationale en compétition à Locarno
Eureka est l’un des films les plus attendus de la compétition spéciale du festival de Locarno, qui commence ce mercredi 5 août. En raison de la pandémie, « The Films After Tomorrow » regroupe les films en production ayant été interrompus. Alonso, coincé au Portugal, a dû abandonner la préproduction cinq jours avant le début du tournage… Or l’enjeu est important pour l’industrie du cinéma d’Amérique latine, puisque la coproduction internationale se destine aux festivals les plus importants du monde. La société française de ventes internationales et de co-production, Luxbox (Jeanne, Rojo), est à la tête du projet. La société de production allemande Komplizen (Toni Erdmann), son homologue portugaise Rosa Filmes (La Mort de Louis XIV), Woo Films (Mexique) et Fortuna Films (Pays-Bas) participent également, de même que la propre société argentine d’Alonso.
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