Lindy Lou, jurée n°2

Et si, dans 12 hommes en colère, Henry Fonda, au lieu de contester le verdict, s’était simplement tu ? Le film aurait duré dix minutes (ce qui eût été dommage, convenons-en), et le juré Fonda aurait probablement été pétri de remords jusqu’à la fin de ses jours. C’est justement ce qui arrive à Lindy Lou, héroïne de ce documentaire, qui, il y a plus de vingt ans, envoya un homme dans le couloir de la mort.

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La différence – notable – avec le film de Lumet est qu’ici l’accusé, Bobby Wilcher, était bel et bien coupable du meurtre de deux femmes commis de sang-froid dans le Mississippi, en 1982. Et c’est précisément parce que ce condamné à mort, jugé en 1994 et exécuté en 2006, n’est pas innocent que l’épopée de cette femme, longuement suivie par le réalisateur français Florent Vassault, est si puissante.

C’est moins le procès qui pose ici question – à l’inverse, par exemple, d’Un coupable idéal de Jean-Xavier de Lestrade – que son issue, forcément fatale. Il n’y a pas d’erreur judiciaire, pas d’injustice à réparer, pas de procès à réouvrir pour l’honneur ; seulement les remords insondables d’une femme, aujourd’hui âgée d’une cinquantaine d’années, tout ce qu’il y a de plus républicaine, et qui pourtant ne se pardonne pas d’avoir un jour mis dans une urne un bulletin “peine de mort”, comme les onze autres jurés.

Elle part donc à la recherche de ces derniers, à l’époque unanimes sur la décision, pour sonder leur sentiment de responsabilité, et ainsi peut-être atténuer la sienne, ou du moins lui donner sens. Habilement monté, le film enlace son sujet progressivement, implacablement, comme un serpent autour de sa proie. Pas de grand climax ici, mais de minuscules épiphanies qui, les unes après les autres, finissent par émouvoir et saisir la logique de cette quête, titanesque, qui tient de Sisyphe car tout y est toujours à recommencer.

Lindy Lou, jurée n°2 de Florent Vassault (Fr. 2018, 1 h 24)