En alliant fond et forme, poétique et politique, Sylvain George met l’image au service de la vérité. Il sort deux nouveaux films.
Sylvain George, ou l’honneur du cinéma engagé. Qu’il filme Calais la nuit et ses migrants clandestins qui parfois s’y font assassiner ou les manifs du 1er mai 2009 à Paris sous Sarkozy, Sylvain George reste avant tout un cinéaste, ne séparant jamais le fond de la forme, faisant de la forme le fond même de sa colère, de son cri contre les injustices, les morts qu’on cache, la violence policière inexplicable.
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Comment fait-il ?
En usant de tous les moyens dont dispose le cinéma pour former l’image la plus juste de la vérité : la lumière, les couleurs et le noir et blanc, le mouvement, les mots (des textes, des poèmes de Rimbaud insérés entre les images) et surtout le temps.
On voit tous les jours à la télévision des images de violences policières ou de ces ombres qui se cachent sous des capuches dans les bois sombres du nord de la France. Mais cela ne dure que quelques secondes. George a besoin de la durée, et nous aussi, pour comprendre ces visages, ces mains brûlées pour faire disparaître des empreintes digitales (image saisissante du précédent film de George, le magnifique Qu’ils reposent en révolte, sorti il y a tout juste un an) ; pour comprendre que ces silhouettes ne sont pas des groupes, ne sont pas des mots, des statistiques ou des chiffres, mais des individus, des êtres humains qui ont les mêmes désirs et les mêmes rêves que vous et moi.
Et puis soudain c’est une poursuite qui commence sans qu’on sache pourquoi, des flics s’élancent sous les réverbères glauques, on capture le migrant qui a voulu passer les barbelés pour grimper dans un navire. Ou bien les CRS qui chargent parce que l’ordre leur en a été donné, contre des fonctionnaires, des chômeurs ou des retraités qui voulaient démocratiquement exprimer leur colère, leur désarroi.
L’incompréhension, l’assujettissement à des lois arbitraires, la seconde où tout se déclenche, se délite, explose, alors que tout semblait si calme.
Avec sa caméra, Sylvain George saisit l’irruption du politique, quel qu’en
soit le bord. Un politique intimement lié au poétique, donc, puisqu’inclus dans le plan qui l’enregistre. Sylvain George ou l’honneur du cinéma, engagé en cinéma, engagé en politique.
Sur les traces évidentes des cinéastes militants du passé le plus proche – Chris Marker, Jean-Luc Godard, le groupe Dziga Vertov, etc. – dans cette manière de chercher encore et toujours à coïncider avec son époque, à rendre compte le plus justement possible de ce qui se passe, là, en France, dans la rue, sous nos yeux, dans nos champs, et qui n’est pas normal.
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