Le retour de l’indé 90’s Todd Solondz et ses chroniques acerbes d’une middle-class jetée.
Parfois l’envie démange d’appliquer à Todd Solondz lui-même le principe qu’il emploie avec ses personnages. On pourrait avancer que sa misanthropie chronique s’explique par des complexes profonds, voire même par un physique ingrat. Evidemment, on n’oserait jamais aller jusque-là.
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Par ailleurs, tout n’est pas à jeter dans ce jeu de massacre. Au-delà de ses accablants tableaux de genre et de ses portraits au vitriol, Solondz est un authentique cinéaste, capable de certaines fulgurances plastiques (cf. la superbe séquence spectrale où la frêle Joy erre la nuit).
En même temps, on s’en fout un peu parce que tout réalisateur normalement constitué finit par tourner un jour où l’autre un ou plusieurs plans sublimes (la loi du hasard aidant).
On peut reconnaître que cette description impitoyable de la société américaine est souvent drôle, qu’elle touche juste, que c’est “de bonne guerre” (cf. titre), mais le problème majeur – en tout cas dans cette suite d’Happiness (1998) où l’on retrouve les mêmes personnages incarnés par des acteurs différents –, c’est que quasiment tous les pantins qui s’y agitent n’ont aucune épaisseur.
Ils ne semblent pas avoir d’existence propre et restent posés comme des allégories du ridicule, de la médiocrité, de la bêtise, de la suffisance, etc. Ils n’ont pas plus de consistance que des bulles de savon.
Heureusement, dans cet océan de vacuité pop, dans cette galerie de femmes frustrées, d’enfants raisonneurs, de vieux lourdauds et d’artistes pédants, on trouve deux figures qui sauvent miraculeusement le film du naufrage : le père pédophile, sorti de prison et repenti, qui conserve de bout en bout une profonde étrangeté, et exprime une souffrance manifeste ; et la femme désillusionnée avec qui il passe une nuit, incarnée par Charlotte Rampling.
Ce sont bien les seuls êtres à ne pas prêter à ricaner ici – ils sont pathétiques au sens fort –, et par-là même poignants. Cette exception mise à part, Solondz est loin de son modèle potentiel, Robert Altman, qui pouvait aller très loin dans la satire, mais dotait ses personnages d’une forme de libre arbitre et ne négligeait jamais d’introduire des nuances, voire de la poésie, dans son regard impitoyable et juste sur ses contemporains.
Revoir Shortcuts, à la fois tendre et cynique ; certes pas toujours aux mêmes moments. Il y a un monde entre Les Caractères de La Bruyère et le sarcasme gratuit.
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