L’extermination des tsiganes par les nazis : le film décolle quand il échappe à son grave sujet.
Depuis bientôt quarante ans, Tony Gatlif donne une image, une visibilité, une dignité aux tsiganes. Il offre aux “gadje” une meilleure connaissance de son peuple souvent victime de préjugés tenaces. Ne serait-ce que pour cette raison, le réalisateur occupe une position unique, essentielle, nécessaire sur l’atlas du cinéma.
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Avec le très ambitieux Liberté, il s’attelle à un sujet important et souvent oublié, voire occulté : la déportation et l’extermination des tsiganes par les nazis, épaulés en France par Vichy. Peu d’archives et de traces de ce tragique épisode historique.
De plus, certains aspects de la culture tsigane (la peur des morts assimilés à des fantômes) ont empêché la parole des témoins de se transmettre aux générations suivantes. Entre 250 000 et 500 000 Roms ont été assassinés par la machine nazie.
Il est certain que Gatlif traite là une histoire cruciale – pour les tsiganes et pour tout le monde. Il est moins certain qu’il ait toujours trouvé les solutions formelles adéquates. Il a en tout cas choisi une option générale intelligente : ne pas s’apesantir sur la représentation de la déportation et de l’extermination.
Les scènes situées dans un camp (français, en l’occurrence) occupent une petite part du film. Gatlif a préféré consacrer son énergie à la vie et au statut précaires des Roms pendant l’Occupation, beau choix de cinéma : interdits divers, lois anti-tsiganes, méfiance des populations locales, système D pour subsister…
Gatlif distille toutes ces infos historiques, les mêlant à la culture rom déjà montrée dans ses films précédents : rapport à la musique, à la nature, aux bêtes…
Quand il plonge ainsi dans la gestalt tsigane, le film devient intemporel, échappe à son cahier des charges historique. Le film est moins réussi dans sa représentation des “gadje” et de la France occupée.
Deux Justes entreprennent de protéger les tsiganes. Joués par Marc Lavoine et Marie-Josée Croze, ils sont d’emblée croqués comme des silhouettes du Bien.
A l’inverse, le collabo joué par Carlo Brandt est bien chargé : œil torve, canne et claudication, voiture noire. Dans ces scènes-là, Gatlif peine à s’élever au-dessus d’un registre de téléfilm sommaire, binaire, prévisible et ne renouvelle en rien la représentation fictionnelle de cette période.
Paradoxalement (ou logiquement ?), Liberté est à son meilleur quand il prend la liberté de s’échapper de son grave sujet.
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