Clara Roquet dépeint l’entrée en adolescence de deux jeunes filles, marquée par l’expérience de l’altérité et du désir.
Près de l’eau des côtes catalanes se jouent les adieux à l’enfance. Présenté à la Semaine de la critique à Cannes l’an dernier, Libertad, le premier film de la cinéaste espagnole Clara Roquet, est une perturbante transition vers l’âge adulte qui brasse la jeunesse et la féminité sous le soleil d’été.
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Le titre, en plus d’être son programme, est aussi le nom d’un personnage qui fera irruption dans la vie de Nora, jeune fille d’une famille aisée coincée dans la maison familiale pour les vacances. La rencontre des deux adolescentes, issues de milieux distincts, donne vite lieu à un déploiement de toute une série de dérèglements dans la manière dont elles éprouvent le monde.
Naïvement, le film demande si l’amitié est suffisante pour surpasser la différence de classe sociale, alors tiraillé par cette démonstration et souvent à la limite de s’enliser dans une succession de motifs de scénario sursignifiants. C’est dans des territoires plus insolubles que Libertad trouve sa beauté, quand il se laisse aller à une expérience sensorielle, qu’un effet plombant de chaleur vient recouvrir les plans d’eau et de roches où ces corps adolescents constatent la naissance irrémédiable du désir.
Et l’ordre du monde reprend ses droits
Ce dévergondage estival piloté par un affrontement social devient bellement ensorceleur quand il prend le temps de s’égarer sur le visage magnétique de Nora (María Morera), qui tient tout le long ces regards suspendus au monde et sculpte le hors-champ de ses réflexions silencieuses. Vient alors une scène clé, qui conjugue toutes les obsessions de la cinéaste, un face-à-face qui est comme la fascination d’une anomalie, sur le pas d’une porte baignée d’orange, de violet et d’electro. Une parenthèse qui vient rappeler comme elle est illusoire, comme l’ordre du monde reprend ses droits, oublieux des secrets et des douleurs des familles en pleine désintégration.
Libertad de Clara Roquet, avec María Morera, Nicolle García, Vicky Peña (Esp., Bel., 2021, 1 h 44). En salle le 6 avril.
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