Nommé aux Oscars et aux César, Valse avec Bachir reste interdit au Liban, en vertu d’une loi interdisant tout commerce avec Israël. Mais cartonne au marché noir et lors de séances clandestines.
Alors que le film israélien d’animation d’Ari Folman est salué à l’international et sort en BD Tarek Mitri, le ministre libanais de l’Information, déclarait la semaine dernière que Valse avec Bachir ne serait pas diffusé au Liban : selon la loi actuelle, il est illégal d’importer ou de visionner des films israéliens. Soulignant l’absurdité de la chose à l’heure d’Internet où il est assez facile de télécharger le film, le ministre reconnaissait dans le même temps : « Nous devons abolir la censure pour pouvoir voir des films comme ceux-là. Les parties qui s’estiment lésées pourraient à ce moment recourir à la justice ».
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Comme la majorité des libanais, Diana Zeidan, 24 ans et étudiante en sciences politiques, n’a pas eu l’occasion de voir le film mais sait qu’il est possible de le regarder sur Internet grâce à certains blogs locaux qui le proposent en streaming. Elle sait aussi qu’au Liban, l’avis général est mitigé « beaucoup pensent qu’un film pareil est important pour se rappeler de cette page de l’histoire, l’une des plus marquantes du pays ».
Certains insistent pour ne pas oublier tous les autres massacres perpétrés durant la guerre du Liban, tandis que des voix s’élèvent pour affirmer que le film ne montre qu’une part de la réalité. Ainsi, pour le quotidien libanais A-Safir, qui compte quelques sympathies avec le Hezbollah, Valse avec Bachir n’est qu’« une tentative de Folman en vue de purger sa mémoire personnelle » sans « appeler à la réconciliation ou demander pardon ».
Pourtant en recevant son Golden Globe du meilleur film étranger le 11 janvier Ari Folman appelait de ses vœux un futur meilleur dans lequel le film n’aurait plus rien avoir avec la réalité de la région. Pour rappel, Valse avec Bachir dépeint l’expérience d’Ari Folman, ancien soldat de Tsahal au moment de la guerre du Liban en 1982 hanté par le souvenir enfoui des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila à Beyrouth, perpétrés par les phalanges chrétiennes sous les yeux des soldats israéliens. Un témoignage important pour UMAM D&R, une association culturelle et artistique qui travaille sur le passé violent du Liban.
« C’est une honte qu’un film critique sur Israël ne soit pas autorisé au Liban, spécialement s’il couvre une période cruciale de l’histoire des libanais, palestiniens et israéliens » déclarait ainsi Monique Borgmann, présidente de l’association et propriétaire d’une copie d’un distributeur allemand du film. Fin janvier elle organisait une séance privée à Beyrouth initialement prévue pour 30 personnes. Quatre-vingt-dix se sont déplacées pour voir le film dont les copies pirates s’arrachent aujourd’hui sous le manteau dans le quartier de Hamra.
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