Voici un film ambivalent : si certains plans rebutent et si son propos laisse perplexe, sa puissance formelle est indéniable.Le film de Bruno Dumont est un objet filmique étrange qui a le don paradoxal d’exaspérer et de fasciner dans le même mouvement. L’Humanité nous hante après la projection et en même temps, on en rejette […]
Voici un film ambivalent : si certains plans rebutent et si son propos laisse perplexe, sa puissance formelle est indéniable.
Le film de Bruno Dumont est un objet filmique étrange qui a le don paradoxal d’exaspérer et de fasciner dans le même mouvement. L’Humanité nous hante après la projection et en même temps, on en rejette violemment certains aspects. Cet état perplexe du spectateur faisait peut-être partie du projet du cinéaste et de ce point de vue, c’est réussi. Le film commence par un banal fait divers : un viol de petite fille dans la campagne profonde, la police, une enquête. Mais le film reste très éloigné des canons habituels du polar. Car dès le début, Dumont sonne le spectateur d’un brutal coup de matraque : un gros plan sur le cadavre de la fillette, cuisses bien ouvertes et tuméfiées. On lui en veut de nous cueillir ainsi, avec cette méthode douteuse qui revient à tétaniser le spectateur par un sensationnalisme facile. Le film souffre d’un déséquilibre gênant entre naturalisme et stylisation, claudication résumée par le contraste entre Pharaon de Winter (Emmanuel Schotté) et les autres protagonistes. S’agit-il d’une œuvre grave (et lourdement catho) sur la compassion ou bien d’une comédie ? Est-on chez Bresson ou chez Jean Giraud ? Dumont prend-il ses personnages au sérieux ou les prend-il de haut ? Tout le film oscille entre deux pôles dont l’un menace toujours de désintégrer l’autre. Malgré toute cette liste à charge, L’Humanité ne peut être expédié en trois lignes : pour désagréable qu’il soit, ce film n’est ni nul ni anodin. Et si Dumont est un « penseur » au mieux très opaque, au pire très douteux, il se révèle doué pour ce qui est de travailler les deux outils fondamentaux du cinéma que sont l’espace et le temps.
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