A l’instar de Hawks dans son Scarface, Huston fait ici un film sur une communauté qu’il méprise profondément, celle du crime organisé. Les moyens d’exprimer ce mépris sont cependant différents : au ton très sérieux et moralisateur de Scarface, Huston oppose un style proche de la farce où, dès la première séquence à l’église, les […]
A l’instar de Hawks dans son Scarface, Huston fait ici un film sur une communauté qu’il méprise profondément, celle du crime organisé. Les moyens d’exprimer ce mépris sont cependant différents : au ton très sérieux et moralisateur de Scarface, Huston oppose un style proche de la farce où, dès la première séquence à l’église, les mafieux sont posés dans leurs faces d’abrutis sanguinaires et leurs poses de parvenus endimanchés. Différence de ton davantage imputable aux cinquante ans qui séparent les deux films (entre-temps est sorti Le Parrain et même lorsque l’on s’appelle Huston, c’est un événement avec lequel il faut composer) qu’à une supposée nature ironique de Huston tant il est vrai que s’il y a un ironiste parmi les grands cinéastes américains, c’est bien Hawks. Au demeurant, l’objet visé n’est pas tout à fait le même : Hawks fait de Scarface un psychopathe sexuellement perturbé et cherche le crime dans des causes individuelles tandis que Huston, au contraire, s’attache à une étude de système, faisant de la structure familiale, de ses rites et de ses codes, le facteur essentiel de la perdurance de la pègre. Face à cette pieuvre que constitue la famille Prizzi, le personnage de Charley Partanna (Nicholson), tueur professionnel appelé à devenir le parrain, apparaît autant comme une victime de sa famille adoptive que comme l’assassin qu’il est et il est plutôt sympathique avec son air bonasse et ses problèmes sentimentaux. Le jeu de Nicholson est à l’image du film, un peu épais, forcé, et pourtant très fin. Car la particularité de L’Honneur des Prizzi, qui est un chef-d’œuvre, tient dans cet art d’être subtil en exagérant, de sous-entendre en appuyant, d’être sérieux en parodiant. La parodie ici n’est jamais un amusement gratuit mais la marque d’une distance morale vis-à-vis du sujet. Qu’il soit l’antidote idéal à la vacuité intellectuelle d’un Tarantino ou d’un Scorsese n’est qu’un des nombreux mérites de ce film qui file, à vive allure mais sans précipitation, vers un dénouement inoubliable. Les acteurs, tous survoltés, sont comme irradiés par le bonheur qu’ils trouvent à dire leur haine, et Huston, qui rend limpide ce récit très complexe, prouve une fois de plus son génie de narrateur.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}