Un film qui donne à ressentir les traumatismes d’une guerre, quelle qu’elle soit.
Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, de nos jours. Une femme d’une quarantaine d’années, Asja, se rend pour la première fois de sa vie dans un speed dating organisé dans un grand hôtel. Une vingtaine ou une trentaine de femmes pas très jeunes à la poursuite de l’amour ou du bonheur sont présentes.
Asja se retrouve assise face à un homme, Zoran, et les questions personnelles défilent, plus ou moins intimes. Les organisatrices font aussi danser les participants. Un lien se crée, fugace, fragile, non-dit, entre Asja et Zoran. Mais peu à peu, un malaise s’instaure. Asja soupçonne peu à peu Zoran de le connaître déjà… Qui est cet homme au regard un peu étrange ? Que veut-il vraiment ?
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Inspiré de faits réels (ce qui n’est pas forcément un gage de qualité), L’Homme le plus heureux du monde (titre évidemment ironique) va nous ramener trente ans en arrière dans le passé qui ne passe pas, à l’époque du siège de Sarajevo par les troupes serbes, qui dura presque quatre années, entre 1992 et 1996, et fit plus de 11 000 morts. Dont beaucoup de civils. La ville est dominée par des collines. Souvent, pour “s’amuser”, les snipers serbes abattaient avec leur fusil à lunette, les habitants de la ville qui étaient bien évidemment contraints de sortir de chez eux, ne serait-ce que pour aller se réapprovisionner. Or, nous allons bientôt apprendre qu’Asja fut la victime d’un de ces tirs, très gravement blessée.
Une valse triste et joyeuse
Nous ne dévoilerons pas la suite du récit, même s’il est peut-être facile à deviner. Mais là n’est pas le seul intérêt de ce film, qui chorégraphie sans cesse les déplacements de ses nombreux personnages , les entraînant dans une valse triste et joyeuse (“Toute musique qui n’est pas déchirante est inutile”, écrivait Cioran), dans des mouvements de caméra qui vont chercher sur les visages les sentiments des personnages.
Car chacun·e ici a des souvenirs du siège et le film se fait souvent choral. Tous les personnages savent ce qu’ils ont en commun, sans avoir à se le dire ou à se l’expliquer. Un “choc post-traumatique” ? Tous·tes savent de quoi il retourne. La cicatrice est là, et si certain·es parviennent à en rire, ils savent qu’ils la porteront à jamais.
Tout l’art de la mise en scène de la réalisatrice macédonienne, Teona Strugar Mitevska, consiste à nous faire comprendre tout ce que nous venons de décrire par l’image, sans passer forcément par les dialogues. Tout le monde sait que la guerre, c’est horrible. À l’heure de la guerre en Ukraine, n’oublions pas Sarajevo, la ville martyre, et écoutons ces personnages, Européens comme nous, qui ont vécu l’une des dernières guerres du 20e siècle, celle de Bosnie. Ils ont beaucoup à nous apprendre.
L’Homme le plus heureux du monde de Teona Strugar Mitevska avec Jelena Kordić Kuret, Adnan Omerovic, Labina Mitevska. En salle le 22 février.
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