L’HOMME AU CRåNE RASE
d’André Delvaux
avec Beata Tyszkiewicz, Senne Rouffaer
(La vie est belle Editions, 1965, 1 h 34, 20 E)
RENDEZ-VOUS A BRAY d’André Delvaux
avec Mathieu Carrière, Anna Karina, Roger Van Hool
(La vie est belle Editions, 1971, 1 h 30, 35 E)
Réédition de deux superbes films d’un cinéaste belge injustement méconnu.
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Les films L’histoire (paresseuse ou gâteuse) du cinéma européen ressasse souvent les mêmes noms, reléguant parfois en arrière-plan de sa vitrine des figures pourtant éminemment prestigieuses. Tel est le cas du cinéaste belge André Delvaux, mort il y a quatre ans, qui laisse derrière lui une œuvre impressionnante par la profonde cohérence et singularité de l’univers qu’elle impose. En témoignent les deux superbes films de cet auteur réédités aujourd’hui en DVD, à commencer par ce chef-d’œuvre qu’est L’Homme au crâne rasé (1965), qui atteint un niveau de maîtrise rare pour un premier long métrage. Son personnage principal n’est pas sans rappeler le Humbert Humbert de Nabokov dans Lolita, épris ici d’une jeune femme dont on se demande si elle a jamais existé. On plonge dans les arcanes de son cerveau Ð que l’on découvre progressivement malade Ð avec une lenteur, une musicalité et une précision toute dreyerienne (le noir et blanc glacé rappelle celui de Gertrud), comme on défilerait dans les couloirs d’une temporalité distendue, labyrinthique et pourtant incroyablement concrète. D’où le trouble de cette expérience qui ne fait pas de la folie un spectacle mais lui confère un étrange pouvoir d’incarnation : il s’agit de questionner, d’épouser au plus près les contours de l’âme humaine et de buter au rempart vertigineux que constituent son enveloppe et son impossible pénétration.
L’automnal Rendez-Vous à Bray (1971) tient lui aussi en équilibre parfait sur le fil tendu entre la réalité et l’intériorité d’un personnage. Mais la partition jouée ici par Delvaux prend une tonalité différente, triste et rêveuse, plongée dans un fantastique proustien à fleur de peau. La silhouette gracile de Mathieu Carrière traverse le passé d’une amitié et le présent d’un rendez-vous énigmatique, tel un corps à la fois translucide et imperméable aux éclats de la Première Guerre mondiale qui sévit alentour. Encore une fois, le temps devient, sous l’œil méticuleux et l’oreille musicienne du cinéaste, une œuvre toute personnelle où résonnent, telles deux couleurs complémentaires, une Anna Karina magnétique comme la nuit et une Bulle Ogier légère comme le jour.
Les dvd Beaucoup (trop ?) de suppléments, pas toujours pertinents, concernant principalement les liens étroits qu’entretient le cinéma de Delvaux avec la musique et la littérature. Bonne idée tout de même que celle dejoindre à Rendez-Vous à Bray le CD de ses musiques ainsi que la superbe nouvelle de Gracq dont le film est tiré. Amélie Dubois
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