Film de procès d’assises au scénario qui ne s’intéresse à rien, sauf aux émois amoureux vaseux du président Luchini.
Du film de procès, genre d’ailleurs très peu français, il ne semble rester dans L’Hermine qu’une série de désistements au premier desquels la dissolution pure et simple du cas judiciaire : le film laisse peu à peu tomber l’élucidation de l’affaire criminelle dont on pensait qu’elle allait former sa colonne vertébrale.
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Là réside une inversion des rôles plutôt culottée : alors qu’on pensait regarder une intrigue à travers la lentille du procès, c’est le procès qui est regardé à travers la lentille de ce qui n’est d’ailleurs plus qu’une anecdote, une simple formalité de scénario – en l’occurrence un infanticide dans la région de Calais.
Les pieds dans le tapis
Christian Vincent se penche sur l’appareil judiciaire en lui-même, et pourquoi pas, quitte à se poser les bonnes questions. Celle qu’il pose en premier lieu n’est pas neuve : comment faire fonctionner une justice alors que l’homme est faillible ?
L’accusé est têtu comme une mule, le jury n’est pas exempt de préjugés, les témoignages pataugent, l’équipage du tribunal rivalise de pleutrerie. Mais le film se prend les pieds dans le tapis et simplifie le problème ainsi : comment faire fonctionner une justice alors que le peuple est bête ?
Le film déclare peu à peu forfait
Avec son casting à gueules frisant le Bruno Dumont, L’Hermine brade à très bas prix sa représentation des classes prolétaires (allant jusqu’à coller un épouvantable accent picard à la Corinne Masiero de Louise Wimmer) et fait de la délibération une sorte de “Douze Ch’tis en colère” à la limite du tolérable.
On peine de toute façon à comprendre ce qui intéresse vraiment Christian Vincent, puisque le film déclare peu à peu forfait sur tout ce qu’il avait entamé (comment un script aussi mal fagoté a-t-il pu gagner le prix du meilleur scénario à Venise ?) pour ne retomber que sur sa partie la plus convenue et la moins intéressante : les petites amourettes du juge Racine, morne président de cour d’assises troublé un beau matin par la présence dans son jury d’une femme jadis aimée. Le repli est navrant et ne semble même pas conscient de ce qu’il a liquidé au passage.
L’Hermine de Christian Vincent (Fr., 2015, 1 h 38)
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