Le film culte de William Friedkin connaît une nouvelle suite réalisée par David Gordon Green et produite par Blumhouse. Pour le meilleur ou pour le pire ?
La saga L’Exorciste est de ces franchises dont les nombreuses suites (cinq au compteur, pour la plupart épouvantables) n’ont fait qu’intensifier l’aura du film original, sommet horrifique indépassable de William Friedkin sorti en 1977. En confiant L’Exorciste : Dévotion à David Gordon Green, Jason Blum (et sa désormais célèbre société de production Blumhouse) entendait certainement recycler la formule qu’avait appliquée le cinéaste à la franchise Halloween avec sa récente trilogie : un retour au source faisant table rase des suites numérotées, censément plus conforme à l’esprit d’une saga approchée avec déférence, et chatouillant la fibre nostalgique des spectateur·ices en réemployant des acteur·ices du film original.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Si, sur le papier, le contrat est rempli, le résultat frise l’accident industriel. La faute à un scénario-prétexte sans intérêt, une mise en scène désincarnée qui ne sait semer l’effroi qu’en enquillant jumpscares et inserts horrifiques inopinés, et un jeu citationnel lourdingue avec le film de 1977, trahissant l’entreprise de muséification sépulcrale à laquelle se livre impunément Hollywood avec son répertoire millésimé depuis de (trop) nombreuses années.
Revival opportuniste
Il est question dans Dévotion d’une double possession : celle d’Angela, collégienne n’ayant jamais connu sa mère (morte en couche suite à tremblement de terre à Haïti) et qui cherche à communiquer avec son esprit, et de Katherine, une amie à elle, victime collatérale d’une séance de spiritisme qui tourne au vinaigre. Dépassé par les événements, le père d’Angela (Leslie Odom Jr.), du genre sceptique, se laisse finalement convaincre par sa voisine qu’il pourrait s’agir d’un cas de possession, et va consulter Chris MacNeil, la mère de Regan dans le film de 1977, devenue spécialiste des exorcismes, à nouveau incarnée par Ellen Burstyn.
Un revival opportuniste du film de Friedkin qui ne parvient jamais à masquer l’indigence de ce reboot tuméfié, pas plus que le réemploi (non moins opportuniste) des notes de pianos de Tubular Bells de Mike Oldfield, rendues mythiques par leur surgissement dans L’Exorciste, prenant ici des airs de parodie. Car passée cette réification, le film n’a semble t-il rien d’autre à dérouler qu’un récit de dépossession parfaitement commun, jamais virtuose, et pas même flippant.
L’original indépassable
La terreur du film de Friedkin se logeait moins dans la fameuse scène de l’exorcisme (morceau de bravoure pour l’époque, aujourd’hui un poil datée) que dans les interstices du récit, comme l’épouvantable détérioration (physique et mentale) de Regan à mesure que le démon prend possession d’elle, merveilleusement figurée par un plan tétanisant sur la porte de sa chambre, dans laquelle le·la spectateur·ice ne veut surtout pas pénétrer.
En faisant l’impasse sur la lente possession d’Angela et Katherine (évacuée en trois scènes, frôlant parfois le ridicule) pour concentrer sa force de frappe sur une (longue) scène d’exorcisme ordinairement grandiloquente, David Gordon Green ne fait que mettre en lumière l’inaccessible réussite du film de 1977, et sa propre incapacité à ne serait-ce que la tutoyer autrement qu’en adressant des clins d’œil connivents au public.
L’Exorciste : Dévotion de David Gordon Green, en salle le 11 octobre.
{"type":"Banniere-Basse"}