Panorama parfait d’une économie mondiale folle.
Révélé avec We Feed the World, enquête imparable sur le marché de l’alimentation, Erwin Wagenhofer récidive en fournissant certaines des clés de la crise économique qui agite le monde. La folie et le désordre du monde capitaliste ne datent certes pas de 2008. Tout le monde sait, au moins depuis janvier 1995 – où le trader Nick Leeson coula une grande banque britannique –, que le monde de la finance est volatil, irrationnel, amoral et dangereux.
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Tout le monde connaît depuis longtemps les effets pervers de la mondialisation. Mais Wagenhofer, faisant le tour de la planète, en pointe les plus criantes disparités et aberrations. Il a eu l’idée du film en tournant le précédent. Enquêtant sur les cultures maraîchères du sud de l’Espagne, qui inondent l’Europe de légumes, il a remarqué l’expansion immobilière de la région, qui dépasse l’entendement. La plupart des nouveaux complexes qui défigurent la Costa del Sol sont vides, car ils n’ont qu’une fonction d’investissement (on les construit uniquement comme placements). Cette partie, spectaculaire, n’est qu’une facette de ce documentaire “à valeur informative” (terme que revendique Wagenhofer, disant : “Il y va des valeurs mêmes de l’information, valeurs que nous sommes en train de perdre”), où le cinéaste oppose de façon dynamique bons et méchants. Le méchant, c’est par exemple le redoutable Mark Mobius, investisseur spécialisé dans les marchés émergents (= exploiteur du tiers monde), pour qui c’est quand il y a “du sang dans les rues” qu’il faut acheter (en Bourse), auquel il oppose le plus humain Hermann Scheer, député social-démocrate allemand. Le film aborde toutes sortes d’aspects connexes, comme le circuit de production de l’or, de l’extraction (au Ghana) à la transformation en lingots (en Suisse), dont l’Afrique ne tire que 3 % de bénéfices, contre 97 % pour l’Occident. Bref, tout le processus sophistiqué d’exploitation des pays pauvres par les riches est magistralement décortiqué par Wagenhofer, qui se demande par ailleurs “pourquoi nous avons besoin d’une croissance économique alors que notre société a déjà atteint un degré de saturation”. Question que personne ne pose clairement. Les gouvernants, eux, n’ayant que l’idée de restaurer la situation dans son état antérieur, sans comprendre que, sans une profonde révolution des équilibres socio-économiques, de notre rapport au monde, rien ne sera résolu. Le genre de film qui permet de prendre un recul salutaire.
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