Alors que son Benjamin Button est un des favoris des Oscars, retour sur la Fincher’s touch, parfois clinquante, toujours ultracontemporaine, des débuts dans le clip au conte fantastique.
“Si mes films sont des contes, ce serait davantage des contes de Grimm que des contes de fées : les actes y ont des conséquences”, résume Fincher. Pour cette raison, chaque film résonne comme une mise à l’épreuve pour les personnages. Pressés par le temps, toujours en retard sur l’intrigue (le compte à rebours
de Se7en, la machination de The Game), ils prennent de mauvaises décisions et courent à leur perte, avant de comprendre que tout n’est que vanité.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Avec Zodiac pourtant, quelque chose change, profondément : Fincher offre enfin du temps à son héros (le cartoonist introverti interprété par Jake Gyllenhaal finit par résoudre l’enquête des années après que tout le monde a jeté l’éponge) et à ses spectateurs (le film durant 2 h40). Et pour la première fois, le temps n’est
pas qu’une perte, c’est aussi un gain ; il rend certes la justice caduque (preuves et témoignages effacés), mais permet à la vérité d’advenir. Et c’est bien de cette nouvelle dialectique qu’est né Benjamin Button. Ce dernier, joué par Brad Pitt, n’est pas en retard, et ne peut l’être : placé d’emblée hors du temps objectif,
il se laisse porter par les événements et glisse sur la vague de l’histoire sans jamais s’y cogner (sauf, littéralement, lors de l’épisode du sous-marin nazi).
Il y a chez lui une féroce aptitude au bonheur mêlée de la conscience aiguë de son issue tragique, et c’est cette tension permanente qui donne au film sa plénitude mélodramatique. Les chromos qui en découlent libèrent des flots de mélancolie sans égal dans le cinéma américain contemporain. Sauf peut-être
chez James Gray, grand ami de Fincher ayant décidé, lui aussi, d’abandonner
le cinéma de genre pour la romance, ou chez leur parrain commun et autre maître du temps, Francis Ford Coppola. Invité à la table des grands, Fincher a, c’est certain, décidé d’y être à l’heure.
David Fincher en six films
Aliens3 (1992)
Premier blockbuster : accueil public et critique frisquets, et grosse colère contre la Fox qui lui refuse le final cut.
Se7en (1995)
Première collaboration avec Brad Pitt et immense carton, définissant les canons du serial killer movie pour les dix années à venir.
The Game (1997)
Tout le monde est déçu, à juste titre, par ce thriller manipulateur un peu vain, avec le roi du genre, Michael Douglas.
Fight Club (1999)
Brad Pitt est le héros négatif d’un film culte et violent qui fait polémique aux Etats-Unis : facho ou anarcho ? Ni l’un ni l’autre, juste ado.
Panic Room (2002)
Avec son plan-séquence frimeur, à travers serrure et anse de cafetière, Fincher aggrave son cas auprès des cinéphiles. Reste cependant un plaisir posthitchcockien, purement théorique.
Zodiac (2007)
Plus personne ne l’attendait et il fait l’unanimité à Cannes avec ce film sublime, réponse enfin adulte à Se7en.
{"type":"Banniere-Basse"}