Les trois étudiants en cinéma disparus le 19 mars ont été tués par le cartel de Jalisco, un des plus violents du Mexique, selon le procureur général. Mais de nombreux Mexicains mettent en doute cette version officielle et dénoncent l’incapacité et la corruption des autorités.
Alors qu’ils tournaient un court métrage, trois étudiants en cinéma de l’université de Guadalajara ont disparu le 19 mars. Javier Salomón Aceves Gastélum (25 ans), Daniel Díaz (20 ans) et Marco Ávalo (20 ans) ont été vus pour la dernière fois à côté de la ville de Tonalá. Leur voiture serait tombée en panne et les jeunes gens auraient été kidnappés par le Jalisco New Génération Cartel (CJNG), le cartel de narcotrafic le plus important du pays qui les aurait confondus avec les membres d’un gang rival.
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C’est ce qu’a affirmé lundi le procureur général lors d’une vidéoconférence après avoir mis la main sur deux suspects. Le rappeur Christian Omar Palma Gutierrez (plus connu sous le nom de QBA) est l’un d’entre eux. Il a reconnu avoir torturé puis tué les trois étudiants avant de dissoudre leurs corps dans de l’acide.
#EnDirecto | Rueda de prensa en torno a la investigación de los estudiantes de cine desaparecidos en Tonalá. https://t.co/slMTLQdN67
— Fiscalía de Jalisco (@FiscaliaJal) 23 avril 2018
Les enquêteurs auraient ainsi retrouvé 46 barils de soufre et des traces d’ADN d’au moins deux des trois étudiants sur un site. Les cartels mexicains ont souvent recours à ces pratiques ignobles pour éliminer les preuves.
La version officielle mise en doute
Mais comme dans de nombreuses autres affaires, la version officielle est mise en doute. Pour Andalusia Knoll Soloff, journaliste installée à Mexico : “Il n’y a aucune preuve scientifique que ces étudiants ont été kidnappés, torturés et tués ». Ce que confirme Stephen Woodman, journaliste indépendant britannique basé à Guadalajara : “Les enquêteurs ont déclaré avoir trouvé des traces d’ADN mais ils n’ont pas rendu les preuves publiques. Beaucoup de gens ont des doutes…”
Nombreux sont donc ceux qui remettent en cause la véracité des témoignages et le compte rendu de l’enquête. S’il n’y a aucune preuve de l’implication des autorités locales dans ce rapt, le doute subsiste sur leur part de responsabilité car elles n’auraient pas agi immédiatement pour retrouver les étudiants kidnappés.
Local journalists are raising a lot of questions about inconsistencies in the attorney general’s office’s versions of events. As the Ayotzinapa case demonstrated, it’s best not to take the official version of such events at face value.
— Duncan Tucker (@DuncanTucker) 24 avril 2018
Andalusia Knoll Soloff dénonce la corruption de policiers qui tortureraient les suspects pour leur faire avouer des crimes qu’ils n’ont pas forcément commis et clore ainsi des affaires compromettantes.
Plus largement, c’est la politique mexicaine face au narcotrafic qui est visée. La journaliste rappelle ainsi qu’en 2014, 43 étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa avaient disparu dans l’État de Guerrerro (Ouest) et que le gouvernement avait également déclaré qu’ils avaient été brûlés dans une décharge. On s’est rendu compte plus tard qu’une crémation d’une telle ampleur est scientifiquement impossible et que les témoignages avaient été obtenus sous la torture. Ce drame impliquant l’armée et la police fédérale montre bien à quel point les institutions locales sont gangrenés par le crime organisé.
« Le « pourquoi » est impensable, le « comment » est terrifiant »
Le cinéaste mexicain Guillermo Del Toro, originaire de la ville où les trois jeunes disparus faisaient leurs études (Guadalajara), s’est mobilisé pour sensibiliser la communauté internationale : « Il n’y a pas de mots assez forts pour saisir la dimension de cette folie. Trois étudiants ont été tués et dissous dans de l’acide. Le « pourquoi » est impensable, le « comment » est terrifiant« .
Las palabras no alcanzan para entender la dimensión de esta locura. 3 estudiantes son asesinados y disueltos en ácido. El ¨porqué¨ es impensable, el ¨como¨ es aterrador.
— Guillermo del Toro (@RealGDT) 24 avril 2018
Grâce aux hashtags #NoSonTresSomosTodx (signifiant « nous ne sommes pas trois, c’est tout le monde« ) et #LosTresEstudiantesDeCine (pour « les trois étudiants en cinéma« ), il souhaite signifier que cette tragédie n’est malheureusement pas un cas isolé. Le correspondant britannique Duncan Tunker affirme ainsi que plus de 3 000 personnes ont disparu sur le seul État de Jalisco (l’une des plus dangereuses régions du monde) et le nombre s’élève à 34 000 pour l’ensemble du pays.
Selon l’AFP, le Mexique a répertorié 7 667 assassinats depuis le premier semestre 2018, soit une augmentation de presque 20 % par rapport aux chiffres de l’année dernière à la même période.
Mercredi 24 avril, des milliers d’étudiants ont manifesté à Guadalajara pour exprimer leur colère et dénoncer l’incapacité des pouvoirs publics à faire cesser cette violence et assurer leur sécurité.
Hundreds of film students took to the streets in Mexico City, Guadalajara & other cities across Mexico yesterday to express their outrage over alleged murder of Javier, Marco & Daniel. They vow to keep marching & mobilising to put an end to this violence. Photos via @MorasFurthur pic.twitter.com/SEo1rStIor
— Andalalucha (@Andalalucha) 25 avril 2018
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