Dans ce documentaire, Ken Loach, prof de gauche tenace, vous dit tout sur les acquis sociaux de l’Angleterre de 1945, comment elle les a bradés, et pourquoi elle doit y revenir.
Si l’on cherche un parfait résumé du film, lui-même précipité de soixante ans d’histoire britannique, on peut regarder la bande-annonce, qui en est
le pitch parfait. Mais un synopsis ne sera jamais qu’un synopsis. Cela dit, le documentaire de Loach est lui-même assez expéditif, accumulant images d’archives et interviews (ouvriers, militants, médecins), et employant une voix off incisive, accompagnée de textes didactiques.
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C’est une sorte de cours en trois parties sur la société anglaise d’après 1940. Premier temps : lors de la Seconde Guerre mondiale, le pays est laminé, affamé par les blocus, ravagé par les bombardements nazis. Deuxième temps : en 1945, un gouvernement travailliste, c’est-à-dire socialiste, est élu pour la première fois au Royaume-Uni. Vient alors, selon Loach, une période faste durant laquelle non seulement le pays se reconstruit, mais nationalise industries et services, et crée la Sécu anglaise, le National Health Service. Les classes laborieuses accèdent à un confort inconnu jusque-là. Processus assez proche de celui de la France à l’époque, avec les progrès sociaux réalisés sous l’égide du Conseil national de la Résistance.
Ensuite, le film accomplit un grand saut, faisant l’impasse sur les Swinging Sixties et les seventies, pour aboutir au troisième temps, à ce qui désole le cinéaste : l’arrivée de la conservatrice Margaret Thatcher au pouvoir, en 1979, et son empressement à démolir tout ce que les travaillistes avaient édifié en 1945 – privatisations à gogo et promotion du libéralisme économique. Virage à 180 degrés que Loach n’a eu de cesse de fustiger dans ses films. Par exemple, dans son doc sur le conflit des dockers de Liverpool, en 1995, ou dans sa fiction très documentée, The Navigators, illustrant les conséquences dramatiques de la privatisation du chemin de fer.
Certes, depuis Thatcher, le Royaume-Uni est revenu en partie sur cette désétatisation sauvage, en renationalisant partiellement certains secteurs. Mais l’esprit de 45 n’est plus là. Les travaillistes actuels ne sont que l’ombre des socialistes qu’ils ont été. Ce que ce film d’action (militante) pure réclame, c’est le retour à la justice sociale des origines.
Il le fait un peu naïvement, à la Ken Loach : tout le film est en noir et blanc, même les interviews récentes ; pourtant, à la fin, on repasse les scènes du début, celles de la Libération, en couleurs. Le procédé est appuyé, mais, en cette période confuse, le film est néanmoins clair, efficace et inspirant.
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