Olivier Py réussit un “premier film” tellement bourré d’idées, d’audace, d’obsessions intimes et de croyance qu’on en oublie ses excès et défauts. Les Yeux fermés est un premier film, mais le premier film d’un auteur-metteur en scène de théâtre qui a déjà beaucoup roulé sa bosse, le premier film d’un auteur déjà largement confirmé sur […]
Olivier Py réussit un « premier film » tellement bourré d’idées, d’audace, d’obsessions intimes et de croyance qu’on en oublie ses excès et défauts.
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Les Yeux fermés est un premier film, mais le premier film d’un auteur-metteur en scène de théâtre qui a déjà beaucoup roulé sa bosse, le premier film d’un auteur déjà largement confirmé sur l’axe Paris-Avignon-Orléans (dont Py dirige le Centre dramatique national). Cette notion de « premier film » retrouve pourtant ici tout son sel. A l’inverse de la plupart des « jeunes cinéastes français », qui livrent des films surconcertés et surmaîtrisés, presque timides, aussi talentueux soient-ils, Olivier Py vient d’ailleurs et il a fait autre chose. Du coup, Les Yeux fermés a toutes les qualités devenues rares d’un véritable « premier film » : une économie de l’abondance, un trop-plein bouillonnant, une générosité casse-cou, une sincérité qui oscille entre rouerie d’homme de spectacle et naïveté de débutant. C’est avec armes et bagages (lui, sous beaucoup de ses coutures, sa troupe et sa littérature de catholique lyrique) que Py s’empare de son nouveau jouet, cette « petite caméra » DV qui convient si bien aux vieux maîtres (Cavalier, Varda, bientôt Rohmer et Godard), aux grands documentaristes « expérimentaux » (Fieschi, son film africain) et aux jeunes chiens fous, et qui poussent souvent tous les autres à faire n’importe quoi, de la bouillie. Alors que Py retrouve dès la première séquence son écriture de « théâtreux » en imposant son personnage, sa voix, sa personnalité aussi séduisante qu’exaspérante de charmeur qui aime faire des phrases et des conquêtes, des scènes et le malin.
S’il ne parle que de lui, de ses pratiques sexuelles très « nuits fauves » comme de sa geste d’artiste fiévreux, c’est pour mieux ouvrir son film à un récit qui se déploie à travers des digressions de journal intime, des parenthèses et des comparses, toutes joliment refermées et tous regardés avec l’attention nécessaire. C’est en ne voulant renoncer à rien, ni à ses complices ni à ses obsessions vitales (« Dieu, le théâtre et les garçons »), qu’il tient à distance les conventions naturalistes pour aboutir à un mélodrame de proximité dans un Paris revisité. Cette exposition de soi-même et des autres, ce don qui court à sa perte, passe par une flamboyance des poses et des postures. A l’inverse d’un Chéreau trop souvent obsédé par sa volonté de « faire cinéma », c’est en affirmant sa théâtralité fondamentale, son goût excessif du cérémonial, que Py transforme sa défroque d’histrion compulsif en un cinéma fort et singulier. Tout à son vertige de faux novice, il lâche tous ses coups, et fait des Yeux fermés une suite d’envolées peuplée d’anges plus ou moins déchus. Et même s’il en fait parfois trop, même si cette débauche d’effets conduit une fois ou deux aux frontières du dérisoire et du « trop dit », Py parvient à l’incarnation en usant et abusant de procédés certes factices mais qui servent une foi authentique. Py croit si fort au cinéma, que celui-ci finit par s’incliner.
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