Le “Tuche” de Noël n’est jamais drôle, se contente de faire tourner la boutique pour faire main basse sur le juteux box-office de décembre, et bonne année grand-mère.
Même si le premier volet avait tout de même réalisé un score tout à fait honorable il y a dix ans (1,5 millions d’entrées), ce n’est que dans les cinq dernières années et après une ressortie des cartons un peu inespérée (qui serait dûe à une diffusion triomphale sur TF1 en 2014) que les Tuche ont acquis leur prééminence actuelle sur le box-office (environ 5 millions de spectateur·trices par film, un score que seuls les Dany Boon et les Bon Dieu peuvent lui disputer), leur rythme de sortie (un tous les deux ans, à une pandémie près) et un statut symbolique d’icônes prolétaires nationales, renforcé par un parallélisme grossier, mais tout de même un peu inévitable avec le mouvement des Gilets jaunes. Dans le dernier épisode, sorti quelques mois avant les premières occupations de ronds-points, Jeff Tuche finissait président de la République à la suite d’une histoire de ligne ferroviaire supprimée dans sa campagne. Ça ne s’invente pas.
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À défaut de nouveaux symboles de richesse (Monaco, épisode 1) et de pouvoir (l’Élysée, donc) à aller dévergonder, la franchise courait sans doute le risque de se répéter. Elle se rabat donc dans ce quatrième épisode sur la protection de son propre pouvoir et de sa propre richesse, en chassant sur un terrain qui n’a pas grand chose à voir avec son ADN, mais qui n’est ni plus ni moins qu’un gros marché au box-office : le film de Noël.
Noël chez les Tuche
Jeff Tuche (Jean-Paul Rouve) rachète une fabrique de jouets pour faire la nique à l’usine voisine de Marteau (Michel Blanc), son beau-frère et éternel rival, manager régional d’un mastodonte de la distribution dénommé Magazone (sic). En toute philanthropie, aidé de sa famille et de sa ribambelle d’amis chômeur·euses, Jeff n’a pas d’autre objectif que de narguer le grand capital en jouant le grain de sable solidaire dans l’industrie hégémonique.
Loin de nous l’idée de défendre Jeff Bezos, mais il serait tout de même temps pour l’époque de renouveler ses recettes satiriques, à commencer par l’énorme tarte à la crème que constituent désormais les parodies d’Amazon qui défilent sans arrêt sur nos écrans. Un exercice totalement balisé que le film ânonne paresseusement, égrenant les platitudes habituelles, comme par exemple la novlangue anglicisée des start-uppeurs (“on débriefe ASAP ?” – pitié !).
Débandade
Le résultat ressemble au mieux à un dessin de Plantu, et au pire à un de ces navets d’entraide populaire dont le cinéma français a le secret, réécritures daubesques de David contre Goliath en version entrepreneuriat solidaire et folklore prolo bon teint – on s’est rappelé soudain de La Boîte de Claude Zidi (2001), légende du nanar à laquelle le film d’Olivier Baroux ressemble parfois.
La franchise a pu bénéficier ces dernières années – et y compris aux Inrocks – d’une clémence inattendue de la part d’une presse spécialisée dont on s’attendait à ce qu’elle la voue aux gémonies et qui s’en est d’ailleurs bien amusée. On voit mal la scène se reproduire sur cet épisode, qui ne nous a pas tiré l’esquisse d’un sourire et fait tout de même l’effet d’un commencement de débandade, entre repli sur des formules bassement lucratives (l’attirail du film de Noël est un plaquage totalement artificiel qui conduit à un final aberrant) et perte de connexion directe avec son époque : tourné entre février et juin 2020, au début d’une pandémie qu’il aurait été opportun d’intégrer au scénario (tout au plus, on la voit apparaître sur un journal lu par Michel Blanc : hasard d’accessoiriste ou véritable clin d’œil ?), le film donne le sentiment d’un déni de réalité, ou de se dérouler sur une planète parallèle.
Les Tuche 4 d’Olivier Baroux, en salle le 8 décembre
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