Alors que le cinéma s’empare de YouTube, visite guidée dans la forêt proliférante de ces images où sept genres majeurs se sont imposés. Sélection de films qui ont déchaîné les connexions.
1 – Watch me if you can
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Tout le monde a éprouvé, enfant, la joie d’être admiré par ses parents avant d’exécuter son premier plongeon dans la piscine. Cette jubilation puérile de la performance narcissique offerte à tous les regards, YouTube en a fait un art en soi et, sans doute, son genre le plus fécond. Le skate et la danse, sports performatifs et urbains par excellence, sont logiquement aux avant-postes de cette tendance. Burnside with Tony Trujillo nous emmène ainsi dans le skatepark de Portland qui a inspiré Gus Van Sant pour Paranoid Park. La tecktonik, avant d’être un phénomène médiatique, s’est développée grâce à YouTube, les kids filmant leurs chorégraphies dans le garage de papa pour frimer devant leurs potes (Jey Jey “Wantek”).
Il arrive aussi que la performance tourne mal et, dans ce cas, le bon vieux gadin n’a plus besoin de Vidéo gag pour toucher son public (Darwin Awards). D’autres fois, la chute n’est pas impromptue mais recherchée, et le rire fait place à la consternation : le “happy slapping” (se filmer en train de frapper quelqu’un par surprise – un pote, un prof, un clochard…) représente ainsi le versant obscur de YouTube, sa part la plus abjecte. Une baffe est-elle affaire de morale ?
Burnside
Jey Jey
Darwin Award
Happy Slapping
2 – Les sextapes
Depuis que Pamela Anderson a laissé traîner la cassette de ses ébats avec son Tommy Lee, les sextapes (vidéos érotiques ou pornographiques mettant en scène des personnalités du show-biz) sont devenues un genre cinématographique à part entière. Exilées de YouTube, celles-ci se trouvent désormais sur ses avatars sexy tels que YouPorn ou PornoTube. Pamela en a posé les fondations en 1998 (la préhistoire : caméscope Hi8, VHS, internet 56k), Paris Hilton l’a popularisée en 2003 (l’âge moderne : caméscope Mini-DV, DVD et internet haut débit) et, depuis, la sextape semble être devenue le plus court chemin pour bâtir une carrière. Ou la détruire. Mieux vaut, comme Eva Longoria, prendre les devants et en réaliser une parodie (qu’on peut trouver sur www.funnyordie.com, l’excellent site de partage de vidéos comiques de Will Ferrell et Adam MacKay). Après Redacted, son film éprouvant sur la guerre en Irak, on sait ce qui reste à faire à Brian De Palma pour décompresser un peu.
Eva Longoria Sextapes
3 – Les geeks sortent du placard
Dans l’univers très codé du geek, YouTube fait figure de lieu convivial où se retrouver entre amis (franchement, qui d’autre qu’un geek laisse des commentaires ?), en même temps que de vitrine où exposer ses fabuleux exploits. Qu’il se mette lui-même en scène dans d’invraisemblables ballets Jedi (Star Wars Kid), ou qu’il reste caché derrière son écran (Music using ONLY sounds from Windows XP and 98 !, comme son nom l’indique), sa performance demeure souvent énigmatique pour le commun des mortels, davantage fasciné par la touchante vacuité de ses actes (Lightning Bolt !, ou les splendeurs du jeu de rôle grandeur nature) que par leur technicité inouïe (Ben Guitar Hero 9 Years Old, virtuose du célèbre jeu vidéo). Lorsque le geek perd le contrôle et s’énerve, cela donne Angry German Kid. Et sinon, des Mentos dans du Coca light, ça fait quoi ?
Star Wars Kid
Music using only sounds from Windows
Lightning Bolts
Ben Guitar Hero 9 Years Old
Angry German Kid
4 – Le grand détournement
Ou l’art du clip à la maison, qu’il soit promotionnel ou gratuit. Champion incontesté de la première catégorie, le groupe OK Go a été propulsé illico sur la seule foi d’un clip génial (Here It Goes Again), avant d’être jeté aussi vite aux oubliettes. D’autres, rois du bricolage et du détournement, se posent comme les héritiers de Michel Gondry (Daft Hands, clip virtuose fait avec… une paire de mains) ou de Guy Debord (Shining transformé en feel good movie dans The Shining Remix). Parfois, une bête webcam et un peu d’inspiration peuvent suffire à deux Chinois rois du play-back pour rendre écoutable un tube des Backstreet Boys : Two Chinese Boys: I Want It That Way.
Here It Goes Again
Daft Hands
The Shining Remix
Two Chinese Boys : I Want It That Way
5 – Vu à la télé
YouTube est un moyen de court-circuiter la médiatisation télévisuelle, mais c’est aussi pour elle une formidable caisse de résonance, permettant d’isoler ses meilleurs moments et de les rendre instantanément cultes. Avec Dick in a Box, Andy Samberg a assis sa popularité grâce à la parodie d’un clip de r’n’b, diffusée lors du Saturday Night Live, puis visionnée des millions de fois sur YouTube avant d’être retirée du site à la demande de la chaîne NBC, propriétaire des droits, et d’une machiavélique hypocrisie. Une caractéristique majeure de YouTube étant la récupération tous azimuts, la parodie a ensuite été elle-même parodiée des dizaines de fois (My Box in a Box, par exemple). Dernier hit en date, I’m Fucking Matt Damon (l’humoriste Sarah Silverman se moque de son mari Jimmy Kimmel, présentateur d’un talk show sur ABC) ; la réponse de Kimmel : I’m Fucking Ben Affleck ; et la parodie d’Elizabeth Banks : I’m Fucking Seth Rogen. Grâce à YouTube, une private joke devient un hit mondial décliné à l’infini.
My Dick In A Box My Box In A Box
I’m Fucking Matt Damon
I’m Fucking Ben Affleck
I’m Fucking Seth Rogen
6 – Pas vu à la télé
Il arrive parfois que la banalité du geste filmique amateur croise l’événement historique immédiatement mis à disposition des spectateurs, sans aucune médiation (l’exécution de Saddam Hussein, par exemple). Ce peut aussi être un événement mineur qui prend des proportions inattendues. La télévision est alors doublée et n’est plus que le relais d’un buzz qui la dépasse. C’est ainsi qu’Andrew Meyer est devenu célèbre en septembre 2007 pour avoir posé une question gênante à John Kerry lors d’un forum étudiant. Filmé par de nombreux téléphones portables, il a été brusquement conduit vers la sortie de l’amphi par des policiers, puis plaqué au sol, avant d’être électrocuté par un taser. Visionnés par des millions de personnes à travers le monde, ses supplices (Don’t Tase Me Bro !) sont devenus une affaire d’Etat. Ségolène Royal, quant à elle, se souviendra longtemps de son discours en off sur le temps de travail des enseignants (Ségolène Royal contre les profs).
Exécution de Saddam Hussein
Don’t Tase Me Bro !
Segolène contre les profs
7 – Le petit théâtre
Ou le génie du fake. Il ne s’agit pas ici de démontrer son habileté ou sa force, mais plutôt d’éprouver les limites d’un système ayant érigé transparence et vérité (à tout instant, en tout lieu) en valeurs cardinales. Leave Britney Alone, la confession intime d’un fan de Britney Spears au bord de la crise de nerfs, a ainsi fait le tour de la planète – YouTube, mais aussi les autres médias – avant qu’on ne réalise qu’il s’agissait d’un brillant acteur, Chris Crocker. En France, c’est un faux fan de Johnny (qui d’autre ?) qui donne de sa personne dans C’est quoi le rock ?. YouTube ou l’ère des imposteurs ? Même le Angry German Kid en serait un, paraît-il…
Leave Britney Alone
C’est quoi le rock
{"type":"Banniere-Basse"}