L’intégrale de l’œuvre de cinéaste du comédien Jacques Nolot, dont les splendides L’Arrière-Pays ou Avant que j’oublie.
Sûrement qu’on s’en fout, mais voilà : Jacques Nolot est un des plus grands cinéastes français vivants. Dire le plus grand serait une injure. Il a surgi au carrefour de deux fins (deux histoires), celle de l’homosexualité et celle du cinéma d’auteur français.
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Roi des pédés, dans l’effacement d’une certaine histoire de la sexualité ; prince des auteurs, après la décapitation d’une certaine politique. Il est le plus sincère et le plus faux, le plus trivial, le plus grandiose, le plus sale et le plus pur. Le plus bête et le plus profond. Le plus vivant, et le plus mort. “Je t’adore.”
La vie comme le cinéma, une histoire d’argent, de sexe et de mort
Ce sont les mots du fils au père dans L’Arrière-Pays (1998). Jacques Nolot filme sa propre vie, fabrique un espace où la regarder passer : fasciné, dégoûté, offert. La maison et le village de L’Arrière-Pays, le cinéma porno de La Chatte à deux têtes (2002), l’appartement et la ville d’Avant que j’oublie (2007). La vie comme le cinéma, une histoire d’argent, de sexe et de mort. Ce qu’on donne, ce qu’on prend, ce qu’on paie, c’est-à-dire tout l’inappropriable.
Avant que j’oublie commence avec un trou noir sur un mur blanc, énigme de la tache aveugle, et finit par un portrait de l’artiste en travelo, sphinx ou sphinge muet retournant à la solitude sans œuvre. C’est un film-testament(s), n’ayant que ça à la bouche : qui hérite de qui et de quoi, qui continue la longue série (du fric, du sens) des gigolos et des protecteurs, qui liquide ou accepte l’héritage. Qui meurt, et qui accepte de se survivre.
Mélancolie et humour
Dans L’Arrière-Pays déjà, cahier d’un retour au pays natal, il lavait le corps de sa mère morte en sachant qu’on ne règle jamais ses comptes. Qu’on n’hérite jamais de rien d’autre que de quelques histoires dont on ne sait que faire. Mélancolie et humour de celui qui sait que “sa propre vie” est non pas intransmissible, mais insignifiante et infiniment précieuse.
Le puissant mystère de la mise en scène (la mystique caduque héritée de Bresson, de Cocteau) est au service de la plus parfaite légèreté. Il n’y a pas d’arrière-monde, pas de retour, pas de clef. Jacques Nolot est un cinéaste du pur scandale, celui qui n’éclate jamais.
Film d’amour au temps de la mort du cinéma
La Chatte à deux têtes rouvre à son tour le caveau d’un âge d’or, celui des passes et passages dans le public d’une salle de ciné porno. Aux enfers, Orphée se retourne, chantant la mesure du monde d’après la taille de la queue d’Eurydice. Film d’amour au temps de la mort du cinéma, sourire en coin, fin d’un jeu. Où redescendent encore les héros positifs d’un mythe séropositif – et pas celui de l’innocence perdue. L’argent, le sexe et la mort ? C’est encore la caissière du cinéma qui connaît le mieux les secrets du monde.
coffret DVD (Capricci), environ 29 €
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