Quatre femmes ayant survécu à l’extermination des Juifs d’Europe témoignent. Une tétralogie documentaire sobre et rigoureuse construite à partir de rushes non retenus dans le montage de Shoah.
Déjà diffusé en deux soirées sur Arte au mois de janvier, ce documentaire de Claude Lanzmann a été réalisé – notamment comme Sobibor ou Le Dernier des injustes – à partir d’images tournées entre 1973 et 1985 pour Shoah mais non utilisées dans le montage final. Les Quatre Sœurs sont les entretiens successifs de quatre femmes juives rescapées de l’extermination des Juifs par les nazis.
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L’ordre originel d’apparition des intervenantes dans la version télévisée était le suivant : “Le Serment d’Hippocrate”, avec la Tchèque Ruth Elias (qui parle en hébreu), “La Puce joyeuse” avec la Polonaise Ada Lichtman (en yiddish), “Baluty”, avec la Polonaise Paula Biren (en anglais), et “L’Arche de Noé”, avec la Hongroise Hanna Marton (également en hébreu).
Ce que Lanzmann veut entendre, c’est la vérité
La tétralogie de Lanzmann sort en salle sous forme de quatre films séparés. On peut le déplorer, tant l’ensemble, très cohérent, et la durée donnaient de l’ampleur au film, ou s’en réjouir, tant chaque portrait tient le coup indépendamment des autres.
Ces témoignages sont évidemment bouleversants, souvent insoutenables. Lanzmann filme ces femmes pas si âgées que cela au moment du tournage avec sa sobriété habituelle. Ce qui frappe, c’est leur lucidité, leur mémoire, leur dignité et leur force de vie. Lanzmann est un intervieweur formidable parce qu’il est dans l’exigence. Ce qu’il veut entendre, c’est la vérité. La vérité des personnes qui lui racontent leur séjour dans les camps de la mort.
Un film sans concession, mais aussi un jugement
Il ne manifeste donc aucune complaisance, ne lâche jamais le morceau, creusant chaque récit pour en épuiser le sujet, abordant des thèmes loin d’être faciles ou réglés aujourd’hui, comme la responsabilité des conseils juifs ou de la police juive féminine dans les ghettos (dont Paula Biren faisait partie) ou encore le sort réservé à certains Juifs privilégiés qui négocièrent avec Eichmann un départ pour la Suisse (ce fut le cas d’Hanna Marton).
Un cliché journalistique consiste à qualifier de “sans concession” une interview. Le film de Lanzmann est sans concession, mais aussi sans jugement. C’est la vérité, les actes, les faits qui intéressent cet intellectuel, des lieux où la joliesse ou la sensiblerie seraient indécentes.
Les Quatre Sœurs (Le Serment d’Hippocrate, La Puce joyeuse, Baluty, L’Arche de Noé) de Claude Lanzmann (Fr., 2018, 1 h 30, 0 h 52, 1 h 04, 1 h 08)
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