« Les Proies » le nouveau film de Sofia Coppola qui sort ce mercredi 23 août en France, était il y a quelques mois la cible de virulentes critiques américaines jugeant le film « raciste » et dont l’idéologie épouserait celle des « suprématistes blancs ».
Alors que Les Proies, le nouveau film de Sofia Coppola, sort en salles ce mercredi 23 août, une polémique a éclaté il y a quelques mois aux Etats-Unis concernant la représentation raciale dans le sixième film de la cinéaste ainsi que dans le reste de sa filmographie. Seren Sensei, une écrivaine militante s’est notamment indignée à ce sujet dans une tribune publiée sur la plateforme Medium.
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« La blancheur n’est pas une race mais elle est la norme »
Au départ, tout allait pour le mieux pour Les Proies. Après les retours globalement positifs du festival de Cannes où le film remporte le prix de la mise en scène, son parcours vers les Oscars semble se dessiner sous les meilleurs auspices. Mais les premières critiques émergent commentant le casting du film, certes extrêmement prestigieux et talentueux, mais aussi exclusivement blanc, alors que le livre dont il est adapté contenait des protagonistes noires : Edwina, jouée dans le film par Kirsten Dunst, et Mattie, personnage évincé de la version de Coppola.
La controverse jaillit véritablement lorsque, un peu plus tard, la réalisatrice déclare pour se défendre qu’elle « souhaitait explorer les dynamiques de genre de la Confédération, et non les dynamiques raciales. » Cette réponse fait massivement réagir : Sofia Coppola sous-entendrait-elle que les femmes noires ne sont alors pas concernées par les dynamiques de genre ? La cinéaste affirme également qu’elle ne se sentait pas légitime de représenter des femmes noires à l’écran de par la lourdeur du sujet et de la « responsabilité » qui en découlait.
Le problème de cette réponse, dit Seren Sensei, n’est pas d’avoir ou non des personnages noirs dans le cinéma de Coppola, ou dans n’importe quel film – on ne va pas exiger des cinéastes blancs qu’ils racontent des récits noirs et encore moins de créer des quotas – le souci provient plutôt du « féminisme blanc en tant que mouvement qui décentre spécifiquement et délibérément les femmes noires et les autres femmes racisées sous couvert de dire ‘le genre pas la race’. (…) L’idée selon laquelle un casting entièrement blanc élimine tout contexte racial se repose sur l’assomption selon laquelle la blancheur elle-même n’est pas une race mais est invisible, elle est la norme, le standard. »
L’auteure rappelle alors l’omniprésence de la femme blanche dans l’œuvre de la cinéaste, du personnage latina « blanchie » dans The Bling Ring, à celui de Scarlett Johanssonn, expat en détresse dans Lost In Translation (le film avait d’ailleurs déjà subi une polémique concernant l’image qu’il délivre du Japon), jusqu’à Marie Antoinette dans le film éponyme, portrait sympathique d’une « aristocrate si égoïstement éloignée de son peuple qu’elle a conseillé qu’ils ‘mangent de la brioche’ alors qu’ils mouraient de faim ». Dans Les Proies, Nicole Kidman, Kirsten Dunst et Elle Fanning sont elles victimes d’un soldat de l’Union (Colin Farrell) alors que la guerre de Sécession fait rage. D’après Seren Sensei, le film devient « un exemple parfait de ce qu’est le féminisme blanc, qui donne la priorité aux vies, histoires, droits et émotions des femmes blanches, au-dessus des femmes racisées. »
https://www.youtube.com/watch?v=BuByY-DnGYo
« Dis que tu voulais créer un fantasme raciste et suprématiste blanc, Sofia Coppola »
Pour prendre la défense de la cinéaste américaine, Ira Madison III du Daily Beast a publié un texte qui félicite que la réalisatrice s’en tienne à son expérience de femme blanche plutôt que de s’approprier des récits noirs et de les rater. Seren Sensei commente : « Avec tout mon respect, je pense que cet article passe complètement à côté du sujet. (…) Si l’argument est que Coppola doit juste ‘s’en tenir à ce qu’elle connaît’ au sujet de la race, alors à chaque fois qu’elle fait une interview pour Les Proies, il devrait y avoir des questions sur la blanchité. (…) avant d’ajouter : « On parle de normalisation de l’Histoire révisionniste blanche et du fait de soutenir ça et de le traiter comme une avancée féministe alors qu’il s’agit tout bonnement d’une manière de sympathiser avec les Sudistes et d’un non-sens suprématiste blanc centrant les histoires de Blanches – parce que les femmes blanches restent blanches – au-dessus de toutes les autres. »
Seren Sensei demande ainsi que la réalisatrice assume son « point de vue raciste et de suprématiste blanc ». Car « on ne peut pas jouer sur les deux tableaux. On ne peut pas se présenter publiquement comme une championne et une défenseure des femmes, et ensuite admettre publiquement avoir éliminé les femmes noires de ses récits parce que ‘dynamiques-de-genre-pas-dynamiques-raciales’
Pour conclure son papier, l’auteure s’adresse avec une certaine véhémence à Sofia Coppola : « Alors appelons-le par son nom. Dis que tu voulais créer un fantasme raciste et suprématiste blanc, Sofia Coppola, et vas-y. C’est comme ça que tu t’en tiendras à ce que tu connais. » Reste à savoir si le public français partagera le point de vue de ces critiques.
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