Nul ne songe aux pornos pour leurs BO. Pourtant, les connaisseurs savent qu’on y trouve des perles. Quand la musique redurcit les moeurs.
Dans les films pornos, naturellement, le rinçage de l’oeil prime toujours sur le contentement des oreilles. Faute de moyens, d’envie, voire carrément de goût, les réalisateurs s’embarrassent rarement d’un autre souci, dès qu’il s’agit d’accompagnement musical, que celui de coller au son de l’époque : postpsychédélique au début des années 70, disco vers la fin, pseudo jazzy dans les années 80, eurodance ou techno aujourd’hui. Le plus souvent merdique, débitée au mètre et exécutée par des logiciels, la musique d’un film X est le dernier maillon (généralement le plus faible, à égalité avec le scénario) d’une longue chaîne d’approximations. La compilation Sex-o-rama (Oglio Records) montre pourtant qu’avant d’être livré aux gémonies des salles spécialisées, le porno savait faire appel à d’authentiques compositeurs aux audaces décuplées par ce genre alors vierge et donc propice aux plus troublantes défloraisons. Ainsi les musiques extraites de films cul(te)s tels que Gorge profonde, Derrière la porte verte ou Blue eruption témoignent d’une époque pas encore bridée par la censure et où les décollages extatiques sont rarement simulés par des machines. Fait exceptionnel, la bande originale d’un des plus célèbres films X, The Devil in miss Jones, est même parue l’an dernier en version intégrale (toujours chez Oglio). Signée en 72 par Alden Shuman un futur tricard dont l’essentiel de la carrière se résumera ensuite à la musique pour documentaires animaliers , The Devil in miss Jones est une partition élégamment orchestrée, plutôt raffinée et mélancolique, empruntant autant à la tradition symphonique qu’à la pop et dont seuls les titres (Hellcat, Love lesson, Trio in the round) trahissent l’objet licencieux. A part ça, franchement pas de quoi s’échauffer la membrane à l’écoute des musiques de films pornos des quinze dernières années, l’essentiel se résumant comme le genre lui-même à toujours plus d’indigence, de vulgarité et de conformisme. En revanche, avec la vaguelette qui permit il y a deux ans de remettre à la mode easy-listening et autres Mood musics, les soundtracks de films érotiques des sixties et seventies moins gonflés quant aux images mais autrement plus sensuels à l’écoute ont connu une notable remontée de sève. A mi-chemin entre le X et la série Z (on devrait inventer pour eux la classification Y), d’impérissables chefs-d’oeuvre érotico-gore sont revenus en force dans les cinémathèques, tandis que leurs BO envahissaient les dance-floors, certains DJ’s ne résistant pas à l’envie furieuse de les culbuter entre deux platines. C’est le cas notamment du désormais universel Vampiros lesbos, film fantastico-saphique du réalisateur Jess Franco mis en musique par le duo germanique Manfred Hübler et Siegfried Schwab. Un score extravagant et explicitement sous-titré Sexadelic dance party qui tient fermement ses promesses. Accompagnée par des extraits d’autres musiques des films de Franco, la réédition de Vampiros lesbos (Crippled Records) est à elle seule un concentré explosif de rhythm’n’blues psyché, de brimborions acidifiés et de voix orgasmiques, avec dans des rôles de figurants sitar, orgue ou bandes inversées et des tonnes de trouvailles sonores qui constituent une inépuisable source, notamment pour les laboratoires du trip-hop. A noter dans le même genre, bien qu’un ton en dessous, les musiques de films érotiques allemands de Gert Wilden
& Orchestra réunies sous le titre générique du plus connu d’entre eux, Schulmädchen report (Crippled Records). Quant à l’impressionnante production italienne de la même époque dont les musiques sont signées par les plus grands compositeurs du cinéma traditionnel , on en retrouve de forts salaces extraits sur les fabuleuses compilations Beat at Cinecittà vol. 1 & 2 (Crippled Records) ou au hasard des volumes de la collection Easy tempo (chez Right Tempo) et plus particulièrement sur le volume 7 intitulé Bikini beat. Des musiques pop et lascives plus amusantes que scandaleuses signées Bruno Nicolai, Riz Ortolani, Armando Trovajoli et plus rarement par le maestro Ennio Morricone, lequel a pourtant pas mal visé à une époque au-dessous de la ceinture. Pour en juger, il est conseillé d’écouter en urgence absolue la voluptueuse musique du film Paura sulla città (dont l’extrait le plus chaud figure sur la compilation More mondo Morricone, chez Colosseum).
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