Deux ans avant le printemps de Prague, deux filles fofolles font souffler un doux vent de dinguerie dans la république socialiste.
Ca te gêne ? – Non” : à Prague dans les années 1960, deux jeunes filles nommées Maria font n’importe quoi. Il s’agit de ruiner et gâcher le plus de choses possible, la nourriture, les fêtes, leur temps, les rendez-vous avec les hommes, les vêtements. À monde mauvais, mauvaises filles : une décision prise dans un éclat de rire, celle de se rendre toujours pire et de tout faire empirer.
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Ce qu’il y a de très réjouissant, d’efficace jusque dans la gêne du spectateur, c’est qu’elles sont deux, deux “filles entre elles” – duo, double ou duel, machine jusqu’au-boutiste sur le ton du “je fais n’importe quoi pour toi !” Etre deux et sans hommes, c’est aller plus loin, c’est la mise en scène permanente du défi.
La dialectique matérialiste, méthode au pouvoir à l’époque, se trouve rénovée par la métaphysique conflictuelle des best friends : l’une entraîne l’autre, chaque action est poussée vers une exagération destructrice, chaque plan s’accroche au précédent et tire. Il faut que tout cède. Les idiotes épiques démontrent que les choses sont essentiellement transformables, et irréparables. La figure nouvelle de la fofolle invente un burlesque politique intense – qu’on retrouve dans Céline et Julie vont en bateau de Rivette, ou les films du Frat Pack où les acteurs sont meilleurs amis, type Serial Noceurs.
Tout casser
Les Petites Marguerites se place sous le signe du gâchis et de la dépense, mais avec une grande économie de moyens, cherchant à exprimer de la façon la plus condensée et littérale l’envie de tout casser, jusqu’à casser le film lui-même – quand Maria et Maria font du découpage, le plan se zèbre, ses morceaux se mélangent.
Ces Ariane élisent sans fil ni filet une transgression après l’autre pour faire des trous dans les murs du labyrinthe, ouvrir sans arrêt le circuit du film, le ruiner. Super graves mais jamais sérieuses, elles nous gloussent à la face, aggravent leur cas et nous forcent à reconnaître, à notre corps défendant, que c’est ce que nous désirons : tout casser devant tout le monde, mais ce n’est pas grave.
Les Petites Marguerites, de Vera Chytilova avec Ivana Karbanova, Jitka Cerhovaressortie – en salle le 31 août
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