Si la légende raconte que l’on a tous·tes un sosie quelque part dans le monde, quelle est la probabilité de rencontrer son couple-clone ?
Le dernier film de Mani Haghighi, Les Ombres persanes, part de cette idée folle qu’une femme et son mari pourraient croiser, au hasard des rues de Téhéran, leur équivalent physique, trait pour trait. C’est le début d’un thriller psychologique qui puise toute sa mise en scène dans cette tension autour d’un double dédoublement savamment orchestré.
Un bref plan, magnifique, saisit les deux femmes côte à côte, lors d’une prise du sang mutuelle, tandis que deux infirmières sourient de l’examen : “Pas besoin de faire des analyses, ça crève les yeux que vous êtes sœurs.” On pourrait aussi l’entendre comme une adresse aux spectateur·ices : ne vous méfiez pas de la possibilité inouïe d’une telle situation, parce qu’elle est là devant vos yeux. Regardez plutôt ce qui en découle, comme cette hérésie donne lieu à des explorations de l’intime, des obsessions, de la jalousie, de la tromperie et de l’amour en général.
Une question de liberté
Dans ce même plan, une pluie torrentielle s’abat derrière deux fenêtres symétriques. Une eau violente et artificielle. De pluie et d’orage, le film en est à chaque plan obsédé. C’est comme si le monde lui-même était en crise, que ce dérèglement climatique accompagnait celui des personnages en proie à un jeu de dupe permanent. Et si on les identifie par leurs vêtements, leur coiffure ou des détails physiques, rien véritablement dans leur jeu ne les différencie.
C’est ainsi que les deux couples, dans une veine retenue, quasi scolaire, se laissent saisir par un minutieux ballet d’ombres et de fantômes. C’est d’autant plus pertinent que le film se passe en Iran et pose, via cette gémellité en noir, la question d’une entrave aux singularités et aux libertés. Ces ombres persanes avancent ainsi sous des raies diluviennes, dans un clair-obscur qui ouvre les possibilités d’une altérité. À se demander s’il est de bon augure de faire l’expérimentation d’une existence alternative.
Les Ombres persanes de Mani Haghighi, en salle le 19 juillet.