Dans une France en plein conflit algérien, les affres d’un notable crossdresser.
Metz, 1959. Michel, un notable de province, vit la vie normée des notables de province dans la France des années 50. Il porte costume trois pièces et coiffure lustrée, travaille dans son bureau cossu, pendant que madame étouffe dans sa cage dorée, un appartement bourgeois chargé de meubles, de bibelots et d’encaustique. Michel a un secret : à l’insu de sa femme et de la société, il passe quelques week-ends à la campagne où il devient Mylène, au milieu d’une bande d’amis qui tous se travestissent en femme.
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Les Nuits d’été est un film étrange, un film dont la facture revêt la même double identité que Michel. En surface, un cinéma de qualité française à l’ancienne, confit dans un univers provincial désuet… Mais sous cette apparence rétro nostalgique palpitent un cœur fassbindérien, un mystère rivettien. De même, Guillaume de Tonquédec a un physique de Français moyen qu’il fait voler en éclat dès qu’il devient Mylène. L’étrangeté du jeu de Jeanne Balibar (qui elle n’a besoin de nul travestissement pour susciter un trouble érotique à l’écran) contribue à la singularité insidieuse d’un film moins rétro qu’il n’en a l’air.
Les Nuits d’été n’est ni La Cage aux folles, ni Priscilla, folle du désert. Mario Fanfani ne fait pas de ses travestis des objets de gaudriole ou de spectacle extraverti. Il les observe avec empathie, respect, voire gravité, comme des individus qui vivent leur liberté à l’écart du corset des normes sociales. Le film porte un message politique sous-jacent : alors que notre époque voit une partie de la France protester violemment contre le mariage pour tous ou la pensée sur le genre, Mario Fanfani montre que ces problématiques, loin d’être une menace ou un corps étranger pour notre société, la travaillent depuis des profondeurs aussi lointaines et inattendues que la bourgeoisie provinciale de l’après-guerre. On se souvient aussi que La Grande Illusion de Jean Renoir, classique de chez classique de 1937, comporte une séquence où les prisonniers se déguisent en femmes.
Les Nuits d’été rappelle que le brouillage des frontières sexuelles, le jeu avec les genres, la réinvention de soi ne sont pas des inventions de “la gauche bobo post-soixante-huitarde” mais des questions qui viennent de très loin.
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