Dix ans après Titanic, Winslet et DiCaprio vivent le lent naufrage d’un couple.
L’effet Titanic de ce nouveau film de Sam Mendes est inévitable. Le couple du plus gros succès mondial de l’histoire du cinéma se reforme ici pour incarner toutes les étapes de l’aventure à deux : fusion, complicité, routine, détachement insensible puis déchirement violent, en un démontage méthodique du romantisme absolu de Titanic. Kate Winslet n’est pas seulement la partenaire de cinéma de Leonardo DiCaprio, elle est aussi la compagne du réalisateur dans la vie : couple de fiction, couple d’acteurs, couple réel, les jeux et miroitements entre la vie et la fiction des deux côtés de la caméra sont ici multiples et font en partie le sel de ce film.
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Mais si le spectre de Titanic et le vieillissement d’un couple de cinéma d’un film à l’autre sont ici des éléments importants, Les Noces rebelles tient debout tout seul. Si la mise en scène de Mendes reste assez classique, voire formatée, le scénario radiographie avec précision le lent et progressif processus de pourrissement d’un couple, habité par des acteurs à l’intensité impressionnante. DiCaprio et Winslet ont mûri, pris de l’épaisseur physique et existentielle, ils font exister ce couple dans tous ses états avec une crédibilité maximale. Les Noces rebelles est situé dans les années 50 et ce n’est pas anodin. La trajectoire des Wheeler est celle d’un couple qui avait fait vœu de s’élever au-dessus de la médiocrité de la middle class banlieusarde américaine mais qui finit par être rattrapé par l’étroitesse d’esprit et le confort à courte vue de l’american way of life. Il y a du Sirk dans cet écart par rapport à la norme sociale du rêve américain, mais retravaillé par une brutalité et une profondeur bergmaniennes.
Les Noces rebelles n’a peut-être pas été tourné au moment de la crise économique et financière mais il sort dans ce contexte. Le marasme actuel rend souvent nostalgique des années 50, période où le monde occidental était en pleine croissance et avait toute confiance en l’avenir. Or Les Noces rebelles fait un sort à cette vision idyllique des fifties et regarde le rêve américain comme un “cauchemar climatisé”. Le film est d’une grande noirceur sur le couple, la famille et le confort petit-bourgeois, fondements de notre modèle occidental. Mais si Mendes charge la société, il reste du côté de ses personnages : les Wheeler se déchirent, mais aucun n’est coupable, ils ont juste une vision de leur existence et de leur couple qui finit par ne plus coïncider. “Les histoires d’amour finissent mal”, chantaient les Rita Mitsouko. Sam Mendes confirme avec talent, et une immense Kate Winslet.
Serge Kaganski
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