Serge Kaganski a assisté à l’avant-première des Mystères de Lisbonne dernier film de Raoul Ruiz, il en est sorti émerveillé.
Il y a quelques mois, Les Inrocks publiaient un reportage exclusif sur le tournage du nouveau film de Raoul Ruiz, Les Mystères de Lisbonne, avec au casting quelques talentueux acteurs français de la jeune génération (Clotilde Hesme, Melvil Poupaud, Léa Seydoux…).
Inspiré d’un roman feuilletonesque du grand écrivain portugais Castelo Branco, le film promettait. On a vu le résultat hier soir et le spectacle était d’abord dans la salle. Outre quelques-uns des comédiens précités, trois ou quatre critiques, étaient présents Christophe Honoré, Valéria Bruni-Tedeschi et trois impératrices de l’écran en les personnes de Catherine Deneuve, Isabelle Huppert et Fanny Ardant – 3 femmes aurait pu dire François Ozon.
Cette petite audience de luxe n’avait rien de mondain ou d’officiel, c’était juste le club des amis ou compagnons de route du producteur Paulo Branco, l’autre maître d’œuvre des Mystères de Lisbonne (un titre qui lui va très bien). Le plus beau, c’est qu’une fois le film lancé, on a vite oublié le taux élevé de célébrité au m2 dans cette projo happy few.
Les Mystères de Lisbonne est une splendeur où les récits prolifèrent comme les rizhomes chers à Deleuze, s’emboitent les uns aux autres comme des poupées russes, mêlant tragédies et comédie, dans des décors magnifiques et magnifiquement filmés, portés par des acteurs superbes (la plupart portugais) et une mise en scène pleine d’invention, d’énergie, d’élégance, de facéties.
Le titre évoque d’abord Eugène Sue et ses Mystères de Paris, mais on pense a Dumas, Borgès, aux deux Oliveira (le doyen du ciné portugais bien sûr, mais aussi le personnage de Tintin qui sait si bien raconter des histoires mélodramatiques abracadabrantesques), et les quatre heures et demie filent sans longueur.
Cette merveille qui déborde de la jouissance du conteur est au départ une série télévisée en six épisodes d’une heure qui devrait être diffusée par Arte. La version salle de quatre heures et demie sortira en France en janvier 2011. Décidément, après le Carlos d’Assayas, la télévision semble faire un bien fou aux cinéastes.