Histoire d’amour et d’addictions. Un premier film tour à tour grave et cocasse. Une belle surprise.
Sandra rencontre Boris dans l’agence immobilière où elle travaille et où il vient vendre son appartement. Ils se retrouvent le soir même dans un café : son client lui a donné rendez-vous sans trop y croire, comme ça, à la sauvette. Elle s’y rend sans se poser de questions, aveuglément. Commence alors à s’écrire la partition cacophonique de leur histoire d’amour, dans une immédiateté simple, à la fois tendre et abrupte, séduisante et dérangeante.
On est tout de suite frappé par les dissonances, les ruptures de ton audacieuses qui traversent les dialogues, entre légèreté mutine et noirceur grinçante. Dès leur premier tête à tête, Boris ne trompe pas sa future compagne sur “la marchandise”, comme il le lui rappellera plus tard quand elle prendra vraiment conscience de son état, et annonce à la jeune femme – déroutée de le voir filer du fric à un junkie – qu’il en est un, lui aussi, de junkie. La conversation ne tombe pas pour autant dans la gravité, on saute plutôt du coq à l’âne : “J’aimerais que vous me parliez de vous… Sandra, ça fait un peu pute comme prénom, non ?”, déclare alors Guillaume Depardieu, gentiment provocateur. Pas du tout blessée, Sandra sourit, visiblement conquise.
On est immédiatement impressionné par le talent d’équilibriste de Christine Dory (réalisatrice du moyen métrage Blonde et Brune et scénariste de La Chose publique de Mathieu Amalric), et touché par la grande justesse de son écriture, mi-douce, mi-heurtée, faussement brouillonne.
Toujours sur le fil du rasoir, le film avance par petites touches elliptiques, des esquisses proches des dessins de Boris, artiste fragile à l’inspiration chaotique, souvent freinée par la dope. Soit un mélange de violence et de candeur romanesque dans les scènes représentées (des tonalités vives associées à un trait tortueux et torturé), qui donnent parfaitement corps à ce qui constitue le cœur amoureux du film, le déni : Sandra ne veut pas voir l’addiction de Boris et compose avec ce manque en le comblant, en surface.
C’est avec beaucoup de pudeur et sans pathos que Dory dévoile les pleins et les déliés de ces petits arrangements avec l’amour (dont l’on devine la dimension autobiographique sans que cela ne pèse), où la dépendance n’est pas seulement du côté de la drogue mais aussi, et surtout, du côté des sentiments. Ses grands écarts restituent avec finesse les différents niveaux de perception qui régissent les mouvements amoureux, les accordent et les désaccordent, soulevant au passage des paradoxes éminemment humains. Bonne surprise française de cette fin d’année, le film de Christine Dory, à la beauté fragile et profonde, doit également beaucoup à ses deux inséparables, aussi complémentaires que le jour et la nuit, parfaitement incarnés par le regretté Guillaume Depardieu, tout en retenue – dans un rôle qui lui colle tristement à la peau –, et la lumineuse Marie Vialle, véritable révélation que l’on espère revoir très bientôt.
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