Une infirmière française au cœur d’un couvent polonais où furent commis des crimes atroces. Une histoire forte traitée de façon lisse.
Pas d’inquiétude, il est normal de relire une ou deux fois avant d’y croire le pitch de cette reconstitution historique “inspirée de faits réels” située à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale : en Pologne, non loin du front et de la clinique militaire où officie une jeune infirmière athée fille de parents communistes, un couvent abrite des bonnes sœurs qui tombent enceintes les unes après les autres.
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Non, cette histoire de nonnes engrossées n’est pas un film de Luis Buñuel – c’eût été une bonne nouvelle – mais d’Anne Fontaine, cinéaste un peu en deçà de l’Espagnol en terme de subversion et ici plutôt intéressée par le combat pour le bien d’une héroïne résolue à tout tenter pour sauver les religieuses et leurs bébés. S’enclenche un numéro de jonglerie qui tient le film sur toute sa longueur : obligations militaro-médicales, confidentialité absolument requise par un couvent qui doit préserver son honneur (condition de son existence même), et hostilité retorse d’une mère supérieure qui, en son for intérieur, jetterait volontiers les bébés avec l’eau du bain pour en finir avec toute cette histoire.
Au loin, un spectre : le viol, vrai sujet de ces Innocentes puisqu’il en a fécondé tous les personnages (des soldats hagards, livrés à eux-mêmes, rôdent dans les contreforts de cette fin de guerre), et que son héroïne en court également le risque. Anne Fontaine ne l’ignore pas, mais cela reste pour elle une vraie patate chaude, un nerf extrêmement sensible du scénario que la réalisatrice rechigne à vraiment manipuler.
Négocier avec l’altérité
Prudent, le film se consacre donc au sujet un peu plus convenu de l’honneur à l’épreuve de la guerre, et surtout du non-dit religieux, mettant régulièrement les personnages en position de négocier avec une sacrée altérité – juive (Vincent Macaigne en médecin-chef, en plein dans son registre et donc un peu hors film), athée, catholique, comme tous venus d’une planète différente et forcés d’arranger les uns aux autres leur système de valeur.
La matière, riche et épaisse à l’écriture, servie par de bons interprètes (notamment les jeunes religieuses, souvent vibrantes), tient en haleine et donne à réfléchir, mais se trouve desservie par un traitement d’ensemble plutôt conventionnel et timoré. Anne Fontaine, assez inattendue dans un tel sujet, rend une copie propre et sérieuse. Qu’aurait donné le film entre les mains d’un élève un peu moins sage ?
Les Innocentes d’Anne Fontaine (Fr., 2015, 1 h 55)
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