Dans un film qui se veut un hommage aux comédiens obscurs, il n’y a que des stars. Hypocrite et irritant.
Patrice Leconte aime beaucoup les comédiens. Et ils le lui rendent bien. Que resterait-il en effet de galéjades telles que Viens chez moi, j’habite chez une copine ou Ma femme s’appelle reviens sans Michel Blanc et Anémone ? Avec Les Grands ducs, il prétend donc leur rendre hommage, en particulier aux plus obscurs d’entre eux : les acteurs dits « de complément ».
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Premier paradoxe : les trois sans grade de son histoire jouent Scoubidou, une pièce minable, mais leur grand talent en fait un tel triomphe qu’ils la montent à Broadway. Leconte explique faire passer ainsi un message positif. Ah bon. Mais jusqu’à présent, il filmait des vrais losers sans s’excuser que ça finisse mal pour eux : Jean Rochefort dans Tandem ou Michel Blanc dans Monsieur Hire.
Deuxième paradoxe : la distribution. Prendre Philippe Noiret pour interpréter le plus grand cabotin intergalactique, c’est s’interdire d’emblée tout effet. Un peu comme si Jean-Marc Morandini faisait une pub pour des bidets : il n’y a pas assez de distance. Résultat, on vérifie une fois de plus le vieil adage inuit : « En connu terrain, l’ennui déboule bon train. » Les piaillements surexcités de Catherine Jacob nous réveillent régulièrement, mais pour un hymne à l’abattage des acteurs comiques, c’est raté rendez-nous Dominique Lavanant !
Troisième paradoxe, mais là on vire déjà à la faute de goût : si Patrice Leconte aime tant les délaissés du star-system, pourquoi n’en voit-on pas dans son propre film ? Le second rôle du producteur véreux est confié à Michel Blanc, qui n’est pas vraiment un inconnu. Quant à Marie Pillet, Jacques Mathou ou Jacques Nolot, magnifiques comédiens beaucoup moins célèbres, ils n’ont droit qu’à des silhouettes caricaturales et déplaisantes. La caméra de Leconte ne semble d’ailleurs même pas les voir.
Enfin, et c’est ce qui irrite le plus ici, les spectateurs de la pièce Scoubidou continuent à se taper la cuisse, alors même que de vraies catastrophes ont lieu sur la scène. Allons, allons, le public du boulevard serait-il dupe à ce point ? Pas si sûr. Et en tout cas pas nous : bon public à la limite, mais complices d’un tel mépris, pas question.
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