Adapté du spectacle de l’explosive Camille Chamoux, “Les Gazelles” rénove le genre moribond de la comédie pour filles avec un humour trash et un vrai feeling contemporain. Hautement addictif.
Trois raisons d’aller voir “Les Gazelles » par lesinrocks
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Dans le ciel désespérément grisâtre du cinéma populaire français, condamné à la balourdise des productions mainstream, l’apparition de la comète Les Gazelles est réjouissante à plusieurs titres. Voilà, enfin, un modèle de comédie alerte, drôle, intelligente et moderne ; un film inscrit dans son époque, dans ses usages et ses nouvelles coutumes.
Voilà aussi une comédie écrite, interprétée et réalisée exclusivement par des femmes, qui ont fait de ce monopole un argument marketing et un principe fondamental – “Après Le Cœur des hommes, la chatte des femmes” clame une tagline assez explicite de l’affiche. Adapté d’un spectacle comique de la jeune et explosive humoriste Camille Chamoux, qui interprète également le rôle principal, mis en scène par Mona Achache, Les Gazelles est donc avant tout un film de réaction, pensé contre les mauvaises habitudes du cinéma français.
Intérim sentimental
“On en avait ras le bol de voir des femmes servir de fonctions dans les comédies, et tenir des rôles qui ne correspondent qu’à des stéréotypes : la grosse, la bimbo, la rigolote, la reum, affirme l’actrice et tête pensante du projet. Nous, on voulait montrer les choses telles qu’elles sont, ne rien édulcorer et défendre un regard désinhibé sur l’intimité des femmes.”
Partant de ce postulat, à la fois sociologique et esthétique, Camille Chamoux fait le récit du parcours amoureux d’une jeune trentenaire, Marie, qui décide sur un coup de tête de plaquer son mec et leur projet d’avenir pour tenter l’aventure moderne du célibat. Avec sa bande de potes, les fameuses gazelles, toutes ou presque célibataires, Marie découvrira les joies et douleurs de l’intérim sentimental dans la jungle de la drague : les coups d’un soir, la solidarité féminine, les lendemains de déprime, et cette question, récurrente, que lui pose sa famille: “Quand-est-ce que tu te cases ?”
Perdante ou vénéneuse
Car la liberté sexuelle dont jouit la génération X à laquelle appartient Marie n’est pas sans conséquence: “Etre une femme célibataire à 30 ans, ça reste suspect aux yeux du monde, dit Camille Chamoux. On est considérée soit comme une perdante, soit comme une fille vénéneuse. Dans la sphère de la drague, celle dont parle le film, les rapports hommes-femmes sont restés assez inégalitaires.” La force des Gazelles, c’est de dresser un état des lieux de cette zone instable du désir contemporain par une somme d’anecdotes et d’instantanés réalistes, d’infimes observations qui en font une réponse féminine à Bref.
Au format court de Canal+, le film emprunte ses gimmicks visuels peu inspirés (montage cut, flash-forward) mais surtout son acuité et son flair de l’époque : les scènes de fêtes, les soucis du corps, les rencards foireux avec “les barbus” (hilarante typologie des nouveaux séducteurs branchés), sont autant de détails à partir desquels s’épanouit l’humour très singulier des Gazelles.
Un humour direct et frondeur, qui réinvente mine de rien la comédie girly française en poussant très loin le curseur du rire trash (épilation en gros plan, nudité frontale, cruauté du langage), sans tomber dans la grossièreté agressive d’un certain cinéma pour mecs – Le Cœur des hommes, encore toi.
Petite machine comique efficace, qui ne souffre presque d’aucun temps mort, le film réussit même l’exploit d’esquiver les conventions romantiques du genre dans lequel il s’inscrit. Ici, le couple n’est plus un horizon unique, et Camille Chamoux saisit avec subtilité ce qui s’est profondément modifié dans les rapports sociaux de l’époque : l’éclatement des modèles conjugaux et familiaux, remplacés par un phénomène de bande, en l’occurrence une sororité vers laquelle convergent toutes les solitudes dans une très belle scène finale.
Alors certes, Les Gazelles ne partage ni la richesse d’écriture de la série Girls ni la furie comique de Mes meilleures amies, ces deux correspondants américains, mais le film compense par son panache et la précision aiguë du regard qu’il porte sur sa génération, celle des amoureux précaires et du célibat conquérant.
Les Gazelles de Mona Achache, avec Camille Chamoux, Audrey Fleurot (Fr., 2014, 1 h 39)
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