Quels sont les films à aller voir, ou pas, ce week-end ? Pour en avoir un indice, voici l’avis de nos critiques.
On est fan
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Toy Story 4 de Josh Cooley
Mais que raconter s’il faut conclure, voire post-conclure, dix ans après le final parfait, l’adieu sans appel de Toy Story 3 ? Génie de Pixar, qui récolte toute sa matière fictionnelle dans son propre moment méta, et ne parle ici que de la peur des adieux, de l’“après” excédentaire, de l’aventure de trop. Toy Story 4 est, bien sûr, l’épisode de trop. Car il ne raconte rien d’autre que sa surconscience de l’être : les bis repetita de Woody, Buzz et consorts, famille de plastique emportée de nouveau dans un tourbillon de l’enfance (celle de Bonnie, la petite à qui un Andy en partance pour la fac léguait son carton de jouets il y a dix ans) au goût aigre de déjà-vu – le petit théâtre de la chambre, les acrobaties miniatures, le trajet en camping-car et la chute sur le bas-côté, encore, vraiment ? Oui, encore, mais avec la panique existentielle qui monte : soudain, les jouets se demandent ce qu’ils font là, s’ils doivent le faire encore longtemps, et à quoi bon. Ce n’est pas tant l’épisode de trop que l’épisode postmoderne.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton
Yves de Benoît Forgeard
Sous ses airs de cinéaste dandy, réputé pour ses films à l’humour décalé, il y a chez Benoît Forgeard une simplicité de la structure narrative qui se vérifie avec Yves, son troisième long métrage. Jérem, un jeune rappeur, voit sa vie transformée le jour où il accepte de servir de cobaye à Digital Cool, une start-up qui tente d’introduire sur le marché un réfrigérateur intelligent. En plus de faire les courses et de veiller à l’alimentation saine de son propriétaire, il se présente comme un véritable coach de vie. Ainsi, ce frigo, prénommé donc Yves, va aider Jérem à trouver l’amour et surtout à composer les morceaux qui feront de lui une star. Cette comédie pose la question de la création artistique à l’heure de l’arrivée dans les ménages de l’intelligence artificielle.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau
La femme de mon frère de Monia Chokri
A bien des égards, La Femme de mon frère communique avec le cinéma de Xavier Dolan sans pour autant en constituer un ersatz. Car c’est bien l’une des forces de ce premier film que de produire dans le même temps un effet d’identification immédiate et un éclat de surprise. C’est l’histoire d’un amour fraternel et fusionnel entre Karim (Patrick Hivon) et Sophia (saisissante Anne-Elisabeth Bossé) secoué par l’arrivée inattendue d’une tierce personne. S’il occupe l’avant-scène du film, ce vieux couple en plein délitement sert surtout à dessiner avec malice le portrait d’une héroïne en chute, frappée de plein fouet par un soudain désenchantement affectif et professionnel. C’est cette fracture entre rêves de jeunesse et entrée fracassante dans le quotidien adulte que La Femme de mon frère, dès sa séquence inaugurale, saisit avec précision et humour. Mais derrière le sourire figé se niche une douleur rentrée qui n’est pas celle d’une fille gâtée refusant de quitter l’enfance par pur narcissisme, mais bien celle d’une personne effrayée par l’abandon.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel
Together Alone de P. J. Castellaneta
Sous ses airs de huis clos fauché, Together Alone vise une grande ambition : enregistrer son époque et faire la somme des problématiques queer qui la traversent. Deux hommes se sont rencontrés dans un bar, ils ont fait l’amour. Nous sommes au début des années 1990 et deux hommes viennent de coucher sans capote. A partir de cette séropositivité ou non des corps, mystère flottant et irrésolu du film, se tisse un dialogue qui fera éclore les divergences des deux individus sur leurs orientations et préférences sexuelles, sur la question du sida et du féminisme. Together Alone pourrait être un sommet de didactisme sur la culture LGBT sauf que Castellaneta envisage la parole comme une matière vivante, en perpétuel mouvement, à la fois littéraire, analytique et sensuelle, puisant dans le théâtre, le romanesque et le documentaire.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Ludovic Béot
On aime
Ville Neuve de Félix Dufour-Laperrière
En nichant un récit intime de retrouvailles dans la grande histoire politique (et romancée) de son pays, le cinéaste tisse un lien plus fin qu’il n’y paraît entre l’intime et le collectif, entre la ville (hors champ menaçant) et la campagne, entre ce couple et les silhouettes des manifestants qui surgissent comme des ombres sur la page blanche de l’écran. C’est comme un rêve, entre souvenirs, projections, fantasmes et cauchemars, que se vit cette Ville Neuve, où l’énigmatique image d’une maison en feu hante chaque plan et chaque tête. Parfois alourdi par un texte lyrique, le film parvient cependant à saisir dans un mouvement net quelque chose de l’état affectif de ses personnages pris entre présent et passé, rancœurs et tendresse, libres de continuer (ou pas) ensemble après la projection.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel
Bixa Travesty de Kiko Goifman et Claudia Priscilla
Pour Linn da Quebrada, une jeune performeuse brésilienne transgenre, l’enjeu n’est pas tant la transformation de son propre corps que celle de la société brésilienne tout entière, contre laquelle elle s’insurge, micro à la main, dans des envolées de trap teintée de hip-hop. L’artiste y scande sous plusieurs formes et avec une impétueuse énergie son combat contre le machisme, son manque d’amour, sa volonté d' »entarlouzer » le reste du monde, de sortir d’une logique où un corps transgenre se doit de surjouer les codes de la féminité ou de la masculinité. Documentaire aussi ramassé dans sa forme que politiquement puissant, Bixa Travesty ne prône rien de moins que l’abolition de la distinction entre expression de genre et identité de genre.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau
On est plus réservé
Teen Spirit de Max Minghella
Violet, une adolescente issue d’un milieu pauvre, serveuse la nuit, s’inscrit à une télé-crochet pour réaliser son rêve et devenir une pop star. La toile sociale d’ultra-précaire de Teen Spirit serait comme la faillite de cette ère hippie idéale (l’histoire se déroule sur l’île de Wight, spot du légendaire festival de 1969) que vient incarner une sorte de vieux saltimbanque alcoolique, mentor dépenaillé de cette wannabe. Ces points de bizarrerie contrebalancent un scénario par la suite plutôt convenu, orchestrant une montée de hype dans le business, forcément cruel, de la pop, à travers moult filtres flashy. Les numéros de chant finissent par enfermer le film dans un tunnel de performances glossy et clipesques.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Emily Barnett
On déconseille
Golden Glove de Fatih Akin
Le « Gant d’or » du titre est un bar miteux du Hambourg des années 1970 dans lequel Fritz Honka, miséreux sexuel à l’apparence difforme, paye des verres à de vieilles alcooliques solitaires avant de les ramener chez lui pour les violer, puis les découper en morceaux. Le dernier film de Fatih Akin est à l’image de son personnage principal : atrocement laid et profondément dérangeant. Des scènes de bar, à celles, insoutenables, dans l’infâme clapier qui sert d’appartement à Honka, toute la mise en scène de Golden Glove semble inféodée à sa seule fonction provocatrice. Akin signe un film rance, qui sent moins le soufre que le sang croupi et la pisse séchée, et dont l’unique enjeu semble être de remuer la crasse, pour voir ce qui en ressort.
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