Quels sont les films à aller voir, ou pas, ce week-end ? Pour en avoir un indice, voici l’avis de nos critiques.
On est fan
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Jessica Forever de Caroline Poggi et Jonathan Vinel
avec Aomi Muyock, Sebastian Urzendowsky, Augustin Raguenet, Lukas Ionesco, Paul Hamy
Depuis son sacre en 2014 au festival de Berlin, le duo de cinéastes est devenu synonyme d’une imagerie sophistiquée, mélange d’obsessions pour la mort (et les armes) et de fétichisme kitsch (vêtements, musique) pour les années 1990, époque de la tendre jeunesse des deux trentenaires. Pour leur premier long métrage, ils réactivent leurs totems vintage et cet incurable spleen teen qui imbibe chacun de leurs plans, pour brosser le portrait d’une petite société secrète faite de marginaux, tous hantés par le deuil – d’une époque (l’enfance), d’une sœur, d’un ami ou d’une vie normale. C’est probablement parce que le temps du deuil est si douloureux que la fratrie du film reste comme figée dans l’enfance, malgré l’âge qui avance et le corps qui épaissit. Rester des enfants, accrochés à une idée (de cinéma) fixe, c’est alors se préserver de la trivialité du monde, bien plus violente que les pistolets et les bagarres. C’est aussi s’accorder le droit de dire les choses tout haut, tout fort. C’est pouvoir brandir l’amour comme une arme, dormir les uns contre les autres ou répondre à une lettre enflammée par une danse. C’est dans cette naïveté, cette forme d’absolu romantique que Jessica Forever, qui déborde d’idées et d’envies, trouve sa fulgurante beauté.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel
Coming Out de Denis Parrot
Il suffisait d’y penser. Encore fallait-il y penser. Denis Parrot a visionné plus de 1 200 vidéos de coming out mises en ligne entre 2012 et 2018. Il en a gardé une dizaine pour son premier film documentaire. Ce n’est pas un bout à bout paresseux ou une mise en vrac. Il s’agit au contraire de morceaux choisis, ordonnés, voire hiérarchisés, mis en musique aussi, et à leur façon mis en scène par des intermèdes qui font surgir un corps de ballet, un épatant sauteur à la corde ou un joueur de violon. Ça fait un bien fou de les entendre, d’envier une liberté qu’on n’aurait pas eue à leur âge, et de comprendre que tout cela n’est possible aujourd’hui que par l’usage libertaire des réseaux sociaux, les mêmes qui par ailleurs déversent non-stop des tombereaux d’ordures homophobes. Dans la plupart des cas, ces jeunes s’adressent à une mère ou une grand-mère. Y aurait-il un fil qui relie la condition des femmes en général à celle des gays en particulier ? Sans doute. Dans le florilège des réactions sympathiques perdure cependant le fameux et terrifiant “c’est ton choix !”
Retrouvez l’intégralité de la critique de Gérard Lefort
On estime
68, mon père et les clous de Samuel Bigiaoui
C’est un endroit dans lequel on entre comme dans un sanctuaire. Ce petit temple de discussions et de rencontres c’est Brico Monge, quincaillerie plantée au cœur du Quartier latin. De l’autre côté de la caméra, Samuel Bigiaoui, fils de Jean, enregistre la fermeture progressive de l’endroit et recueille les témoignages des clients. Filmer un lieu destiné à disparaître est par là même transmettre une certaine idée de l’artisanat et du commerce de quartier c’est inévitablement au cinéma d’Alain Cavalier, à son goût pour ces lieux en voie d’extinction (la cordonnerie de Léon ou la vieille maison de Jacquotte dans ses derniers portraits), que l’on pense devant ce beau premier film. C’est aussi la fin d’une utopie, d’une époque, celle de Jean et de ses amis, que filme subtilement Bigiaoui, la fin d’une génération rêveuse et bagarreuse, ayant trouvé repos dans un commerce de bricolage.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel
On est plus réservé
Dieu existe, son nom est Petrunya de Teona Strugar Mitevska
avec Zorica Nusheva, Labina Mitevska et Simeon Moni Damevski
En finir avec le patriarcat religieux est-il l’une des principales aspirations du cinéma féministe contemporain ? Si cet enjeu semble à première vue appartenir à un débat d’idées d’un autre temps, la sortie cette semaine de deux films féministes ayant pour cheval de bataille la théologie, Dieu existe… et #Female Pleasure, mérite que la question soit posée. En passer par l’origine de la domination masculine pour la battre en brèche, tel est le projet du cinquième film de la réalisatrice macédonienne Teona Strugar Mitevska. On y suit Petrunya, une jeune femme à qui son entourage reproche tant son célibat que son chômage et son surpoids. S’ensuit une lointaine relecture du procès de Jeanne d’Arc en forme de satire, certes jouissive, mais trop étirée et assez éparpillée, sur la résistance à l’ostracisme dont fait preuve la jeune femme.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau
#Female Pleasure de Barbara Miller
Le documentaire de Barbara Miller se présente comme un catalogue de témoignages recueillis aux cinq coins du globe. Epousant la forme d’un long reportage télévisuel, #Female Pleasure décrit, d’un côté, le poids que les religions et d’ancestrales pratiques socioculturelles font peser sur les épaules des femmes, et de l’autre, les courageuses initiatives prises par certaines d’entre elles pour renverser le patriarcat. Cette modeste délimitation de son objet ne serait pas un problème si le film la revendiquait. Or le # de son titre et ses tout premiers plans témoignent d’une tout autre ambition : celle de s’inscrire dans le contemporain, ambition qu’il rate complètement. Il y avait pourtant là une passionnante démonstration à exécuter : montrer comment la structure des sociétés, qu’elles soient d’ordre religieux ou économique, s’appuie depuis la nuit des temps sur l’exploitation du corps de la femme.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau
On déconseille
Tremblements de Jayro Bustamante
avec Juan Pablo Olyslager, Diane Bathen et Mauricio Armas
Pablo, un père de famille sans histoire, voit sa vie bouleversée le jour où il assume son homosexualité et tombe amoureux de Francisco. Tremblements met en scène un personnage homosexuel qui passe par la moulinette d’une thérapie de conversion religieuse visant à le “délivrer” de son attirance. Le souci de ce film réside dans le traitement de son sujet, avec une mise en scène glaciale et étouffante, qui semble plus préoccupée à figurer le chapelet de sévices auxquels son personnage accepte de se soumettre par amour pour sa famille (endoctrinement religieux, castration chimique, humiliations diverses, exorcisme, régime spécial et coaching en virilité) qu’à saisir son cheminement intime pétri de contradictions. A la limite de la fascination pour ces pratiques homophobes, ce film-sujet est une complaisante dénonciation. Film rance.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau
Gloria Bell de Sebastián Lelio
avec Julianne Moore et John Turturro
A plusieurs reprises déjà, Sebastián Lelio a su enregistrer avec un grand panache des états féminins extrêmes, électrons libres et turbulents en butte à des systèmes de valeurs traditionnels. Remake américain d’un de ses premiers films chiliens (Gloria, 2013), Gloria Bell narre les tribulations festives et sentimentales d’une cinquantenaire qui refuse de vieillir et de se conformer à la vie normée des gens de son âge. Si l’original parvenait à peindre un portrait tendre et acide grâce à son interprète, Paulina García, cette redite ressemble cette fois-ci à un cadeau fait à Julianne Moore qui se retourne contre elle. L’émotion manque, et le film nous perd par la suite dans les atermoiements d’une amourette avec un homme divorcé (John Turturro) qui n’en finit pas de s’éteindre et de se rallumer. On pourra nous rétorquer que l’enfer d’une époque de la vie consiste peut-être en son indécision, ce flou permanent, mais l’absence de ligne claire évoque surtout une rengaine singulièrement peu inspirée et tournée peut-être pour de mauvaises raisons.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Emily Barnett
Nous finirons ensemble de Guillaume Canet
avec François Cluzet, Marion Cotillard, Laurent Lafitte et Gilles Lellouche
Ils ont vieilli, mais ils sont toujours aussi antipathiques : Guillaume Canet recycle les personnages des “Petits Mouchoirs” dans une suite dépourvue de la moindre bonne idée. Pénible et inutile. Quasiment dix ans ont passé, et le deuxième volet des Petits Mouchoirs se montre à la hauteur du premier : vulgarité permanente, personnages creux, médiocres et antipathiques englués dans des problèmes qui se résoudront tous miraculeusement à la fin du film sans qu’on comprenne comment, gags pas drôles, etc.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jean-Baptiste Morain
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