Bagdad est beigeasse, il y a des fumées, de la poussière, des automitrailleuses américaines fondues dans le camaïeu du paysage urbain. C’est par là que débute ce documentaire qui s’intéresse moins aux tourments actuels des Irakiens qu’au conflit chronique des Kurdes avec les pays sur lesquels leur territoire ancestral s’étend (Turquie, Iran, Irak, Syrie). Erwann […]
Bagdad est beigeasse, il y a des fumées, de la poussière, des automitrailleuses américaines fondues dans le camaïeu du paysage urbain. C’est par là que débute ce documentaire qui s’intéresse moins aux tourments actuels des Irakiens qu’au conflit chronique des Kurdes avec les pays sur lesquels leur territoire ancestral s’étend (Turquie, Iran, Irak, Syrie). Erwann Briand a vécu un mois avec un manga (groupe de six femmes soldats) du maquis marxiste du PKK (parti kurde des travailleurs) quelque part dans les montagnes reculées d’une région frontalière de Turquie en état de guérilla permanente. Jeunes filles en uniforme version Nature & Découvertes. Visage radieux des femmes soldats rêvant de l’indépendance de leur pays et surtout de l’éradication du patriarcat archaïque (mariage forcé et excision sont des pratiques courantes dans la région).
Le film est d’une grande force, lumineux. A quoi tient cette impression ? A trois fois rien. Peut-être au bruit du vent dans le micro, à l’élan de la caméra emboîtant le pas à une guerrière enturbannée qui dévale les pentes chaotiques du Kurdistan avec son fusil. Pour un peu, on penserait à la célèbre photo de Roberto Capa du républicain espagnol tombant foudroyé par une balle… C’est la guerre, ou du moins l’embuscade permanente. Pourtant, le film dégage une impression de liberté comme on en voit rarement. “Je suis plus libre que les filles d’Europe”, déclare justement Sorxwin, une de ces jeunes guerrières. Une œuvre totalement au présent, immédiate, qui ne veut rien prouver : ni militer, ni émouvoir, ni choquer. Là réside aussi sa beauté. Dans une fiction sur la guerre, on attend du sang, de la sueur et des larmes. Mais dans un documentaire, tout est possible. Les protagonistes sont joyeuses et graves, simultanément ou alternativement. Elles jouent, illustrent littéralement la formule “la fleur au fusil”, mais parlent aussi de la torture, montrent sur leurs corps meurtris les traces d’éclats de mortier. Un film d’attente, de latence. Une leçon de paix et d’harmonie au milieu de la guerre.
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