L’acteur-Roi. Plutôt qu’un film, une trace pour l’éternité de l’univers merveilleux du grand Philippe Caubère. Depuis l’hiver 94 et les beaux soirs du Théâtre de l’Athénée, on était sans nouvelles de Philippe Caubère. Le comédien avait quitté le cercle de lumière pour rentrer dans l’ombre. Que faisait-il ? Après presque quinze ans passés seul sur […]
L’acteur-Roi. Plutôt qu’un film, une trace pour l’éternité de l’univers merveilleux du grand Philippe Caubère.
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Depuis l’hiver 94 et les beaux soirs du Théâtre de l’Athénée, on était sans nouvelles de Philippe Caubère. Le comédien avait quitté le cercle de lumière pour rentrer dans l’ombre. Que faisait-il ? Après presque quinze ans passés seul sur scène, s’était-il lancé dans la nouvelle aventure collective qu’il appelait de ses vœux ? Pas encore, il ne pouvait pas quitter si facilement Le Roman d’un acteur et ses onze épisodes. Après avoir commencé à l’éditer (le premier volume est paru aux Editions Joëlle Losfeld), il lui fallait encore s’assurer qu’il resterait une trace visuelle et sonore de cette épopée. Grâce au film de Dartigues, tourné en public pendant les représentations de l’Athénée, on ne pourra plus se lamenter sur le caractère éphémère de la performance théâtrale : ce n’est que le début et les dix épisodes suivants sont déjà dans la boîte. Avec pour seule mais difficile ambition de rendre palpable le génie de l’auteur-interprète, cette captation, sobre et efficace, deviendra vite indispensable à mesure que se brouillera la précision des souvenirs. Dès le premier jour, à la première séance, les aficionados se précipiteront pour revoir ce qu’ils connaissent déjà par cœur. Comme on court au rendez-vous fixé par un vieil ami qui s’était fait rare. « Mais de quoi s’agit-il au juste ? », peut se demander l’éternel distrait qui se réveille d’un coma profond et n’a jamais entendu parler de Philippe Caubère ni de son double, Ferdinand Faure. Une fois n’est pas coutume, et même si on doute qu’il puisse vraiment exister, ce pauvre irresponsable va bientôt devenir le plus heureux des hommes. Convié à cette session de rattrapage inespérée, il va découvrir un monde merveilleux. On ne peut que l’envier de pouvoir savourer ainsi le plaisir de la découverte. On le haïrait presque.
Un plateau nu à l’exception d’une chaise rouge, un acteur qui joue sa vie et tous les personnages qui l’ont traversée, la grisaille des mornes années 70 transfigurée par la figure d’Ariane Mnouchkine, son Théâtre du Soleil et les mythiques 1789 et 1793, les rêves et les folies d’une époque, l’itinéraire unique et exemplaire d’un provincial monté à Paris, l’amour et ses trahisons : Les Enfants du Soleil, c’est tout ça et bien plus encore. A la fois un roman d’une ambition folle, avec Le Voyage au bout de la nuit et A la recherche du temps perdu en ligne de mire, une salutaire séance de psychanalyse collective et la plus grandiose partie de rigolade qu’on puisse imaginer. Que vous ayez déjà mis les pieds à la Cartoucherie de Vincennes (fief d’Ariane et de ses conjurés) ou pas, que le théâtre vous fascine ou vous ennuie, vous serez immédiatement à la recherche d’un peu d’air entre deux fous rires inextinguibles. Caubère, l’acteur-Roi, ne se contente pas d’imiter les accents et les postures de ses modèles : d’un geste, il devient un téléphone qui ne veut pas sonner ou un avion qui décolle. L’écran a remplacé la scène mais l’essentiel n’a pas changé : à lui tout seul, Caubère incarne le monde et nos vies.
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