Les Deux Orphelines est le dernier monument de l’importante collaboration (en quantité et en qualité) des deux sœurs Gish avec D. W. Griffith (Lillian, pour ne citer qu’elle, en tourna une quarantaine sous sa direction). Les Deux Orphelines appartient à la légende dorée du cinéma, cette mythologie libérale hollywoodienne qui fait toujours triompher les ambitieux […]
Les Deux Orphelines est le dernier monument de l’importante collaboration (en quantité et en qualité) des deux sœurs Gish avec D. W. Griffith (Lillian, pour ne citer qu’elle, en tourna une quarantaine sous sa direction). Les Deux Orphelines appartient à la légende dorée du cinéma, cette mythologie libérale hollywoodienne qui fait toujours triompher les ambitieux : lorsque Griffith se lance dans ce projet pharaonique (reconstituer en studio la France de la Révolution avec des milliers de figurants), il est au bord de la faillite : Dream Street, le premier film qu’il ait tourné dans ses propres studios de Mamaronek, a été un échec. C’est Lillian Gish qui lui donne alors l’idée d’adapter la pièce à succès d’Ennery et Cormon, créée en 1874 à Paris. Griffith investit ce qui lui reste de fortune dans le film… qui est un immense triomphe !
Les Deux Orphelines, parangon du mélodrame, commence sous l’Ancien Régime. Deux jeunes filles ont été élevées ensemble. L’une, Louise, est le fruit du péché entre une aristocrate et un roturier. Abandonnée dès la naissance, elle a été recueillie par le père miséreux de la seconde, Henriette. Quelques années plus tard, Louise (Dorothy Gish) est devenue aveugle (mais, of course, sa cécité n’est pas irréversible…). Désormais orphelines, les deux sœurs, qui s’adorent, vont être confrontées aux pires avanies, et bientôt être prises dans les rails de la grande histoire. Elles seront alors séparées, Henriette (Lillian Gish, déchirante du début à la fin) manquera de se faire violer, sauvera Danton (« L’Abraham Lincoln français », précise un intertitre), rencontrera l’amour, passera tout près de la lame de la guillotine, où le « bolchévique » Robespierre l’avait envoyée…
Un récit épique et magnifique mené de main de maître, plein de fougue, de galopades, de décors somptueux, de trahison, de sang, de larmes et de cruauté, où les affreux nobles dépravés et la vulgaire foule sans-culotte sont mis dans le même sac.
Mais au-delà de l’idéologie souvent primaire de Griffith, deux choses frappent : son art du montage (Griffith se fout des faux raccords et aime répéter à la suite deux, voire quatre fois le même geste, le même mouvement, le même plan) et une profonde et sans doute inconsciente connaissance des sources du désir : c’est au moment même où il est en train de fouetter un cocher que le sadien marquis de Praille, levant soudain les yeux, jette son dévolu sur la jolie et pure Henriette…
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