Sélection officielle Où le film à sketches apparaît comme une sorte de cheval de Troie pour imposer des cinéastes méconnus au public international. Ainsi de ces Contes de Kish, où le célèbre Makhmalbaf tire avec sa relative renommée le peu connu Djalili et l’inconnu Taghvai. Exercice commun aux trois compères : filmer l’île de Kish, […]
Sélection officielle Où le film à sketches apparaît comme une sorte de cheval de Troie pour imposer des cinéastes méconnus au public international. Ainsi de ces Contes de Kish, où le célèbre Makhmalbaf tire avec sa relative renommée le peu connu Djalili et l’inconnu Taghvai.
Exercice commun aux trois compères : filmer l’île de Kish, lambeau de terre aride située en plein golfe Persique, zone franche décatie et passage stratégique entre le Proche et l’Extrême-Orient. Premier par ordre d’apparition à l’écran, Taghvai tricote une fable trop explicite sur la résistance des cultures locales à la mondialisation industrielle, exercice filmique tout en joliesse frisant le chromo folklorique. Ni antipathique ni désagréable à regarder, mais complètement académique. Makhmalbaf clôt le triptyque par un conte surréaliste qui n’est pas sans rappeler un vieux court métrage de Polanski : un homme transporte une porte dans le désert ; le facteur le suit pour lui remettre du courrier. Si ce volet ne manque pas d’humour, Makhmalbaf n’évite pas son penchant coutumier pour la belle image léchée et un symbolisme un peu insistant questionnant l’idée de « chez soi ».
Ces deux exercices un peu mièvres et pas très consistants enchâssent le meilleur des trois contes, La Bague, de Djalili (auteur du superbe Danse de la poussière, sorti en France il y a quelques semaines), que l’on a gardé pour la fin. Un jeune homme débarque sur l’île pour travailler : installé dans une cabane entre bord de mer et route désertique, il partage ses journées entre la pêche et la vente du poisson et le service de pompiste pour les rares camions qui passent dans les parages. La solitude de ce Robinson Crusoé contemporain est l’atout principal du film car, délivré de l’obligation d’écrire des dialogues et de filmer des rapports sociaux, Djalili concentre son travail sur les gestes essentiels du personnage : pêcher, préparer ses appâts, livrer l’essence, se raser ou se laver dans des conditions précaires… Il ne se passe pas grand-chose pour le personnage, mais beaucoup pour le regard du spectateur, notamment le sentiment fort d’une véritable durée, d’une préhension vraie du temps et de l’espace filmés. Ici, l’île de Kish son air, son sable, sa poussière, ses sons, presque ses odeurs s’incarne enfin de façon palpable sur l’écran. Si Taghvai et Makhmalbaf n’ont pas su éviter l’effet « carte postale », Djalili, lui, n’a aucun « message » politique ou métaphysique à faire passer, ses préoccupations sont purement cinématographiques : faire sentir au spectateur la matérialité du silence et de la solitude. Après Kiarostami, Djalili est décidément le cinéaste iranien à suivre en priorité.
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