Un récit autobiographique émouvant, traité avec énergie mais sans finesse.
Les Chatouilles, présenté à « Un certain regard » en mai dernier à Cannes, est l’adaptation du spectacle homonyme à succès qui avait valu à la danseuse et comédienne Andréa Bescond de recevoir le Molière de la meilleure « Seule en scène » en 2016. La jeune femme y raconte le début de sa vie et sa carrière de danseuse, mais surtout les viols dont elle a été victime dans son enfance de la part du meilleur ami de ses parents. Un jour, après s’être longtemps perdue dans les paradis artificiels, Odette pousse la porte du cabinet d’une psy et se lance dans une thérapie pour tenter de sauver sa vie.
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Le problème était bien évidemment de transposer au cinéma ce spectacle où Andréa Bescond jouait tous les rôles. La méthode choisie ressemble énormément à celle qu’avait adopté Guillaume Gallienne pour Les Garçons et Guillaume, à table ! : Bescond ne joue plus que son rôle, en tant qu’adulte, et les autres rôles ont été confiés à des acteurs (Karin Viard et Clovis Cornillac jouent les parents, Pierre Deladonchamps le violeur pédophile). Le film se joue des époques, le personnage principal intervient dans l’action aux côtés de sa psy (Carole Franck) à qui elle pose parfois des questions, pour regarder la petite fille qu’elle était vivre dans l’horreur.
Le film de Bescond et Métayer tombe à pic, à une époque où les langues se délient, où une partie des réalités de la pédophilie apparaissent au grand jour. La pédophilie nous stupéfie, nous sidère, nous horrifie, et c’est normal. Un tel sujet demande du recul, de la réflexion.
Dans Les Chatouilles, nous ne nageons pas dans la légèreté de touche. Le film possède un côté « dossier coup de poing » à fleur de peau qui ne fait pas dans la finesse. Nous sommes émus par l’énergie de la danseuse à vouloir expulser ses souffrances passées de son corps et de son esprit, mais son personnage est tellement héroïsé, tout semble si simple (une thérapie, un procès et voici la « résilience ») que le film finit par créer un malaise.
Les tentatives un peu dérisoires d’alléger le propos avec des scènes humoristiques sur la vie d’une danseuse débutante, ses amours naissantes avec un beau brun attentif (Grégory Montel), ne font qu’accroître ce malaise et ajouter une bonne dose de sentimentalisme à un sujet qui n’en pas besoin.
Et puis la charge contre la mère – qui, d’abord dans le déni, reproche à sa fille d’avoir révélé publiquement des faits qui vont perturber sa vie quotidienne et d’être une égoïste – est extrêmement violente, sans que, dans la mise en scène, rien ne protège ce personnage, sinon une réplique sibylline qui n’aura aucune résonance dans le reste du récit : « Tu ne sais pas ce que j’ai subi, moi« , dit Karine Viard, les larmes aux yeux.
Le spectateur a parfois l’impression d’assister à un règlement de compte familial qui ne le regarde pas. Ce n’est pas ce qui est dit ou montré qui est choquant, mais la façon dont Les Chatouilles le dit et le montre. Alors ce premier film est bien sûr émouvant parce qu’il ressemble à un cri de libération, mais il n’utilise pas le cinéma et ses outils, qui lui auraient permis de se projeter au-delà de ce simple cri.
Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Eric Métayer (Fr., 2018, 1h43), avec eux-mêmes, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps, Carole Franck
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