Exercices de style minimalistes et ludiques sur la vie d’une famille mexicaine.
Déjà six longs métrages pour ce cinéaste mexicain remarqué dans des festivals mais qui n’avait pas encore eu droit à une sortie française. Un film en apparence simplissime. En apparence… Principe minimaliste : la plupart du temps deux personnes de la même famille sont filmées en Cinémascope et en plansséquences fixes dans une pièce, un bar, un magasin (il y a quelques rares extérieurs) en train de discuter. Et encore, une grande partie de ces conversations consiste en une simple énumération de titres de chansons que Gabino apprend par coeur.
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En effet, ce jeune glandeur qui vit chez sa mère a décidé de vendre des CD pirates de chansons d’amour. Pour attirer le chaland, il doit donc les connaître parfaitement. Ce faisant, Gabino contamine ses parents qui se prennent au jeu et tentent eux aussi de répéter cette litanie permanente, qui tient parfois lieu de dialogue surréaliste (“L’Amour de ma vie”, “Laisse-moi essayer”, “Dans la prison de ta peau”…). Un événement s’ajoute à ces exercices de mémoire : le retour du père prodigue, qui avait abandonné sa famille depuis de nombreuses années…
Dans ses grandes lignes, ce film est assez proche d’un autre film d’auteur mexicain sorti cette année, Ici et là-bas d’Antonio Méndez Esparza – qui pourrait lui aussi s’intituler “Les Chansons populaires” puisqu’il raconte comment un père monte un orchestre de bal à son retour. Mais le propos de Pereda est plus complexe, presque savant. Il se propose de “faire un film sur le processus de représentation” en s’inspirant de Brecht. D’où le caractère semi-expérimental, un peu volontariste des Chansons populaires, qui pour le coup est tout sauf un film populaire.
Certains accidents calculés émaillent la narration : le père disparaît et est remplacé en cours de route par un non-acteur ; deux variantes d’une même scène se succèdent ; les comédiens sortent de leurs rôles pour évoquer des épisodes de leur vie réelle ; enfin, last but not least, des séquences entières intègrent les projecteurs et les techniciens dans le champ. Des affèteries parfois un peu poseuses et dépassées qu’on peut se permettre de ne pas trouver indispensables, d’autant plus qu’elles sont trop ponctuelles, pour ne pas dire aléatoires pour faire système.
Seule véritable belle idée, qui, elle, a une résonance dans le récit : la scène où Gabino est avec sa mère et s’adresse soudain à elle en tenant le rôle de son père qui l’adjure de se réconcilier avec lui. En dépit de ces fioritures ludiques qui peuvent agacer, Les Chansons populaires conserve sa fraîcheur presque candide et reste une jolie surprise.
Vincent Ostria
Les Chansons populaires de Nicolás Pereda, avec José Rodríguez López, Teresa Sanchez (Mex., Can., P.-B., 2012, 1 h 43), en salle le 31 juillet
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