Sous ses faux airs de pochade bâclée, une parabole poétique sur la guerre, les images et le cinéma. Du Godard à 100 %.
Un an seulement sépare Vivre sa vie (1962) et Le Mépris (1963). Entre ces deux véritables monuments de cinéma, Godard trouve encore du temps pour réaliser cette fable burlesque sur la guerre. Un film qu’il tourne en quatre semaines à peine.
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C’est la guerre. Le Roi mobilise ses sujets. Deux frères illettrés, pauvres et naïfs s’enrôlent, alléchés par la promesse de pouvoir prendre toutes les richesses qu’ils trouveront sur leur chemin. Et ils pillent, tuent et torturent en toute innocence pour ne ramener comme butin qu’une valise remplie de cartes postales. Voilà pour la fable.
Quel Roi ? Quand ? Où ? Peu importe. Paysages, personnages, actions, dialogues, bande-son, tout est stylisé du premier au dernier plan. Un terrain vague, un coin de forêt, un bout de bâtiment pour tout décor, six acteurs, quelques figurants mal fagotés, des farces improvisées qui tiennent lieu de séances d’exécution… Puisque « la guerre est une chose assez invraisemblable » (Godard), pourquoi se gêner : cartons écrits à la main en guise d’ellipses, authentiques images de guerre en guise d’images d’Epinal.
Cette désinvolture revendiquée ne fait pas sourire le public de l’époque, qui ne voit qu’un film « bâclé, confus, une farce pitoyable ! ». Des limites techniques si manifestes qu’elles font partie intégrante d’un dispositif qui pose d’abord une question : peut-on représenter la guerre de manière objective
au cinéma ? Après l’hommage à Bresson/Dreyer (Vivre sa vie) et avant celui à Hawks/Hitchcock/ Antonioni (Le Mépris), Godard réalise ce film en hommage à Louis Lumière. Résultat : une farce ubuesque sur la guerre filmée par Charles Chaplin.
Luc Arbona
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