Les Cahiers du cinéma ont cinquante ans. Présentation d’une revue qui a semé grandes idées et bons cinéastes en un demi-siècle de septième art.
Plus qu’une revue, les Cahiers du cinéma est une aventure intellectuelle et journalistique unique en son genre, dont le rayonnement mondial est infiniment plus important que ses ventes. On peut pointer à travers l’histoire de la revue plusieurs raisons qui expliquent son influence majeure sur les cinéphiles, les critiques et les cinéastes à travers le monde.
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1) Les Cahiers ont proclamé et diffusé l’idée du primat absolu de la mise en scène sur les autres aspects de la fabrication d’un film. Le vrai sujet d’un film réside dans sa forme et son style, récit et scénario ne constituant que le sujet apparent.
2) Les Cahiers ont inventé la politique des auteurs. Souvent mal compris aujourd’hui (on croit souvent que la notion d’auteur signifie que le réalisateur écrit son propre scénario avant de le porter à l’écran), ce concept implique que le seul et véritable auteur d’un film est le cinéaste, et non pas le scénariste, le producteur, les acteurs ou le chef-op, quels qu’ils soient et quel que soit leur talent ou mérite respectifs.
3) Sous l’influence de Deleuze puis de Daney, les Cahiers ont répandu l’hypothèse selon laquelle le cinéma est autant un art du temps qu’un art de l’image, plus proche de la musique que de la peinture ou de la photo.
4) Ne se limitant pas à être à la pointe de la réflexion théorique sur le cinéma (ce qui est déjà beaucoup), les rédacteurs successifs des différentes période Cahiers sont passés à la pratique, et souvent très brillament. De Truffaut à Le Roux, de Godard à Comolli, de Rohmer à Assayas, de Rivette à Téchiné, on ne compte plus les plumes brillantes qui ont perpétué la pensée Cahiers dans l’exercice même du cinéma.
5) Ayant contribué à échaffauder les fondements principaux de la pensée cinéphilique contemporaine et du cinéma moderne, les Cahiers ont aussi souvent eu le souci de ne pas s’adresser qu’aux spécialistes hyper-pointus et d’emballer leurs idées dans une forme attractive. Autant qu’une revue d’idées, les Cahiers est une revue littéraire, attentive au style de ses papiers. De la clarté pédagogique de Bazin aux poussées enfiévrées de Truffaut, du classicisme XIXème de Rohmer à la sécheresse tranchante de Rivette, du priapisme dialectique de Daney à la complexité limpide de Tesson, cette tradition s’est maintenue au fil des années.
Aujourd’hui « reprise » par Le Monde et orientée vers un devenir-magazine, les Cahiers sont dans une période de transition incertaine et la formule actuelle présente autant de qualités (les tribunes théoriques, les dossiers historiques’) que de défauts (chroniques trop nombreuses, sommaires fourre-tout, grands entretiens d’acteurs qui prennent beaucoup de place, écart entre couvertures et contenu critique, difficultés de renouvellement des grandes signatures’). Mais en regard de son histoire, de ses avancées et conquêtes, de sa longévité, il n’est pas étonnant que les Cahiers soient connus de Paris à New York, de Lisbonne, à Tokyo, reconnus par des cinéastes de tous horizons, de Scorsese à Wong Kar-wai, de Oliveira à De Palma, et modèle central de la critique française contemporaine. Bon anniversaire.
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