Pour le numéro 800, les “Cahiers du cinéma” “refont le monde” et rendent hommage à Jacques Rozier.
Rachetés il y a quelques années par un groupe de production audiovisuelle et des personnalités chevronnées du monde des affaires, Les Cahiers du cinéma ne devraient-ils pas s’estimer heureux de voir que de l’encre coule encore dans leurs pages, à l’heure où la longévité devient de plus en plus complexe dans l’écosystème des revues ? Ce mois-ci, les Cahiers ont franchi la barre vertigineuse du numéro 800. Pour célébrer cette longévité, le mensuel, créé en 1951 par Joseph-Marie Lo Duca, Jacques Doniol-Valcroze et André Bazin, avec l’appui économique de Léonide Keigel, invite le cinéma à “refaire le monde”.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les critiques s’imposent un large programme dans lequel les utopies politiques, l’urgence écologique, l’intelligence artificielle et la VR sont analysées au prisme des films d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Nous retrouvons de nombreux entretiens avec des cinéastes comme Quentin Tarantino, Wang Bing, Lucrecia Martel, Catherine Breillat, ou Justine Triet, qui interprètent à leur manière l’expression “refaire le monde”.
L’hommage à Jacques Rozier se remarque de prime abord avec cette couverture traversée par une 2 CV sur laquelle sont juchés le cinéaste disparu le 31 mai dernier et son équipe de tournage d’Adieu Philippine.
Pour ce numéro d’exception, Les Cahiers du cinéma ont glissé un ticket d’or au milieu de leurs pages, qui permet au·à la plus chanceux·se de gagner un abonnement à vie.
Si les Cahiers “refont le monde”, on refait de notre côté le tour des précédents anniversaires du mensuel. Pour ces occasions, de nombreux auteurs, cinéastes et critiques avaient été invités en tant que rédacteurs en chef.
Le 100 d’un poète (1959)
En octobre 1959, Jean Cocteau avait été nommé rédacteur en chef pour le centième numéro. En adéquation avec l’idée de retour, les Cahiers mettent à l’honneur l’un des pères fondateurs soucieux de modernité et d’expérimentation. Pour marquer l’événement, la couverture, habituellement sur son fond jaune emblématique, a été réinventée par un dessin original de l’artiste. Elle est titrée avec esprit “Le 100 d’un poète”, écrit d’un filet rouge de la main de l’artiste.
Le 200 de Langlois (mai 1968)
L’actualité du cinéma mouvementée par ce que l’on a appelé “l’affaire Langlois”, qui touche de plein fouet la cinéphilie et le cinéma, commande le thème de la couverture du numéro 200 paru en mai 1968. Les relations de plus en plus tendues entre le ministère de la Culture et Henri Langlois aboutissent à l’éviction de ce dernier. Malraux décide d’écarter de la direction son fondateur, Henri Langlois, au profit de Pierre Barbin. Le cinéma se mobilise alors contre cette décision. Charles Chaplin, Orson Welles, Fritz Lang, Alfred Hitchcock, Carl Th. Dreyer et Stanley Kubrick font entendre leur colère face à l’éviction en faisant parvenir à la Cinémathèque française des télégrammes d’indignation et de soutien. La Une du numéro met en lumière le travail du peintre, sculpteur et cinéaste Charles Matton, ici sous le pseudonyme de Gabriel Pasqualini, qui présente un portrait d’auteur du fondateur de la cinémathèque.
Le 300 de Godard (mai 1979)
En se ralliant au maoïsme durant la décennie 1970, la revue se radicalise et politise par là même le débat esthétique. Elle entérine une nouvelle forme de critique qui privilégie l’analogie plutôt que l’illustration dans le rapport texte et image. Le numéro 300, publié en mai 1979, s’inscrit dans l’idée godardienne qu’écrire, c’est faire des films. Entièrement agencé par Jean-Luc Godard, la Une du numéro intrique parfaitement le travail de cinéaste, de critique et de metteur en page.
400 de Wenders (octobre 1987)
Dans le même mode d’assemblage que le numéro 300, le numéro 400 dirigé par Wim Wenders, est régi par l’idée de traiter le “cinéma en germe” avec des extraits de scénario non tournés. La couverture laisse apparaitre une aile déployée tirée d’un photogramme des Ailes du désir (1987), avec en surimpression le visage de l’actrice Solveig Dommartin.
Le 500 de Scorcese (mars 1996)
La couverture de ce numéro 500 imprimée comme valeur de billet de banque, est un portrait en noir et blanc de Martin Scorsese photographié par le renommé Raymond Depardon. En mafieux, complet impeccable, cravate et chemise blanche, le réalisateur fait son numéro d’acteur. Celui qui venait tout juste de sortie Casino décrit dans l’édito comme « son film le plus accompli depuis longtemps » est a la tête de ce numéro spéciale.
Le 600 de Kitano (avril 2005)
À l’occasion de la création du numéro 600, le réalisateur japonais Takeshi Kitano répond présent à l’invitation des Cahiers et convie plusieurs cinéastes à la création conjointe d’un “ciné-manga”. Le numéro présente en Une le film de Nicolas Klotz La Blessure et l’annonce d’un dossier “Rétro” consacré à Rainer Werner Fassbinder.
Le 700
Pour son 700e numéro, les Cahiers sortent des sentiers battus. À la place de nommer un cinéaste à la tête du mensuel, ils invitent cette fois cent quarante personnalités du cinéma à témoigner de leurs expériences par un texte, une photo ou un commentaire d’images, avec la volonté de représenter tous les corps de métiers du cinéma. Parmi eux, acteurs, écrivains ou techniciens, répondent à l’invitation.
{"type":"Banniere-Basse"}