Alors que Brüno sort en salles, retour sur la carrière de celui qui l’incarne, le Britannique Sacha Baron Cohen, qui se cachait déjà derrière Borat et Ali G.
Brüno est non seulement le troisième film de Sacha Baron Cohen (SBC), mais aussi une troisième étape dans l’évolution des procédés comiques mobilisés par le comédien britannique.
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Pour Baron Cohen, qui a au préalable tenté au milieu des années 90 sa chance sans grand succès avec un personnage nommé « Carrique » (un journaliste albanais foireux qui deviendra Borat un peu plus tard), tout commence vraiment en 1998.
Ali G : des interviews piège
Cette année-là, il fait une apparition dans une émission de Channel 4, The Eleven O’Clock Show. Alors que le hip-hop a commencé à envahir les charts, SBC propose un personnage de rappeur de gang ultra balourd et originaire de Staines, qui retient vite l’attention des producteurs télé puisque dès 2000 débute sur la même antenne le fameux Da Ali G Show. Dans la peau d’Ali G, il piège entre autres Mohammed Al-Fayed, Jarvis Cocker et la bombinette Gail Porter, dans des fausses interviews hilarantes où il pose bien évidemment les questions qui fâchent, ponctuant les réponses d¹un cri de guerre devenu culte : « Booyakasha ». Madonna, qui vit en Angleterre avec Guy Ritchie, remarque la bête et lui propose une apparition dans le clip de Music (2000). Les portes de l’Amérique s’ouvrent alors pour Ali G, qui signe à la fois pour une minisérie et un film, Ali G Indahouse (2002).
Entre télé et ciné, SBC se paye, avec son personnage de gangsta teubé, la tête d¹une dizaine de gros poissons, parmi lesquels le milliardaire Donald Trump, le réac républicain Pat Buchanan, le basketteur Shaquille O’Neal, Buzz Aldrin l’astronaute, le linguiste militant Noam Chomsky ou encore l’ex-secrétaire général des Nations Unis Boutros-Boutros Ghali. Se basant sur une technique proche de celle utilisée par Pierre Desproges dans Le Petit Rapporteur ou plus récemment par Raphaël Mezrahi, à laquelle il ajoute le look dément du personnage qu’il a créé et des réparties absolument hors-sujet ou hors de propos, SBC/Ali G se livre à une véritable démonstration qui laisse l’Amérique sur les fesses. Les interviews sont parfois absurdes mais aussi très politiques : elles pointent souvent les dérives gauchisantes ou droitisantes des « victimes », qui finissent par se caricaturer elles-mêmes sous les coups de boutoir de SBC.
Borat : un « mockumentary »
Cette technique, Sacha Baron Cohen l’utilise encore plus à fond avec Borat, qui sort au cinéma 2006. Son personnage de reporter kazakh, à la fois candide, sans gêne,sans peur et sans reproche (ne manquez pas l’introduction du film, pour laquelle SBC est d’ailleurs en procès avec le voyage de Roumanie qu’il singe), qui rêve de se marier avec Pamela Anderson, part au combat avec ce que l’Amérique compte de plus réactionnaire et bas du front.
Le film, plutôt drôle, pousse à s’interroger sur les méthodes de SBC.
Beaucoup d¹observateurs évoquent l’idée d’un « mockumentary » : un faux documentaire à la suite duquel SBC est confronté à de nombreuses plaintes.
Le film est un succès mais SBC, devant la multiplication des procédures, s’engage à ne pas continuer à faire le guignol sous l’identité de Borat (il reste néanmoins un Borat actif sur Twitter, et c’est parfois tellement drôle qu’on pourrait croire à du Baron Cohen).
Brüno : la limite du genre
Il créé alors Brüno, grande saucisse gay autrichienne et à moitié nazillonne qu’il envoie cette fois encore aux Etats-Unis. De nouveau, c’est sur le mode du « mockumentary » que se construit le film, mais il est raisonnable de se demander jusqu’à quel point les intervenants ont été mis au courant de la supercherie.
Si certains scènes semblent très réelles, d’autres paraissent très anticipées et la scène finale du film (on ne vous révèle pas tout mais le casting est méga-impressionnant), elle totalement écrite, laisse à penser que SBC sacrifie son fonds de commerce dans Brüno, laissant derrière lui un trio de personnage Ali G, Borat, Brüno que l’on peut raisonnablement considérer comme culte dans le paysage comique des années 2000.
Retrouvez l’interview de Brüno dans Les Inrockuptibles du 21 juillet prochain.
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