Les vies entrecroisées des habitants d’un immeuble au Brésil. Un beau premier film.
Enfin un film qui redonne un sens au terme “mise en scène”. Sur le papier, il appartient au faux genre du “film choral”, mais dans la réalité c’est bien plus, car les différents personnages de cette geste sur un quartier résidentiel de Recife, au Brésil, sont tous reliés par la topographie, plus précisément par l’immeuble où ils vivent ou travaillent, qui est le cœur du récit. Dissection verticale des mœurs et des humeurs qui s’accompagne d’un regard à l’horizontale sur la rue où est sis cet immeuble, dont on ne s’éloigne guère.
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Aussi doué pour les formules que maître de son dispositif prenant et dynamique, le cinéaste définit son œuvre comme “un soap-opera filmé par John Carpenter”. Formule excellente dans la mesure où le cinéaste narre effectivement les petits hiatus et dissensions au sein de la micro-communauté en y ajoutant un sentiment de danger qui rôde.
Il est concrétisé par les sons, qui sont effectivement l’une des forces du film (exemple : l’aboiement d’un chien comme phénomène récurrent), mais aussi par une insécurité diffuse, parfois illustrée dans des rêves dérangeants (superbe cauchemar où une troupe d’enfants des rues envahit l’immeuble).Cette insécurité se concrétise dans la rue, où des vols sont commis par un fils à papa de l’endroit, et où s’installe une équipe de vigiles un peu louches.
Par ailleurs, il y a un certain mystère, du hors-champ, des non-dits, des haines, des convoitises… Ils abondent dans ce microcosme regroupant tout l’éventail de la société brésilienne, de l’enfant rôdeur qui pénètre dans l’immeuble la nuit au riche et intraitable propriétaire dont les petits-fils vivent sur place, en passant par toute une galerie de domestiques, gardiens, livreurs et vigiles.
Mais la beauté du film est encore ailleurs, elle est peut-être plus abstraite. Elle réside dans son sens de l’interlude et du contrechamp. Très souvent, le cinéaste montre deux faces d’une même séquence. Par exemple, pendant que des locataires potentiels visitent un appartement, on voit également un enfant à l’extérieur qui envoie son ballon dans la cour et réclame qu’on le lui rende. Parfois aussi, on découvre la conséquence d’une action à retardement (comme le chien aboyeur endormi par des somnifères).
Ce film n’est pas un simple collage, une juxtaposition de moments ; c’est une véritable tapisserie, où tout est relié par des fils narratifs complexes. Pour une fois, on peut conseiller la bande-annonce du film, formidablement rythmée par le montage et la musique, qui condense génialement cette chronique lyrique du quotidien.
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