Un livre de mémoires très plaisant sur la fabrication du cinéma à Hollywood des années 1970 à l’an 2000.
Il existe une tradition du livre de scénariste, et William Goldman s’y inscrit parfaitement. Romancier – comme son frère aîné James (1927-1998), qui remporta l’Oscar du meilleur scénario adapté, en 1969, pour son travail sur Le Lion en hiver d’Anthony Harvey (avec Katharine Hepburn et Peter O’Toole) – William Goldman (1931-2018) a commencé à écrire pour le cinéma au milieu des années 1960. C’est-à-dire qu’il entre dans le circuit à la fin de l’ère des grands studios : les scénaristes ne sont alors plus salariés des compagnies hollywoodiennes comme à la grande époque où Faulkner, Chandler ou même Bertolt Brecht (qui l’appelait la « foire au mensonge ») y travaillaient et se plaignaient.
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Un producteur sollicite désormais un écrivain à succès qu’il a repéré, lui commande un scénario et voit ce que ça donne. Ensuite, s’il est content, il cherche un financement, et, s’il le trouve, part en quête d’acteurs, d’actrices et d’un réalisateur (à succès, bien sûr) intéressé·es. Si le metteur en scène, le distributeur du film ou les stars pressenti·es ne sont pas content·es du scénario, on le fait réécrire par le scénariste ou on le confie à l’un de ses confrères, sans vergogne ni scrupule.
Air connu qui correspond à une époque précise, sans doute pas entièrement révolue, mais qui a changé depuis que la guilde des scénaristes et surtout le succès croissant des séries ont remis au premier plan le récit, oui, ou ce qu’on appelle le scénario, et renforcé le pouvoir de ceux et celles qui y consacrent leur vie.
Sincérité
Mais des années 1970 à 2000, la loi du marché règne et les scénaristes sont à la merci des caprices de leurs employeur·euses. Goldman décrit très bien cet univers, avec un mélange d’humour désabusé et d’amertume fataliste, sans jamais en faire trop, mais sans mâcher ses mots non plus.
C’est l’un des intérêts des Aventures d’un scénariste à Hollywood, sélection de textes issus des deux livres que Goldman a consacrés, en 1983 puis en 2000, à son activité de scénariste : il ne s’y pousse jamais du col et se montre aussi drôle que sincère. Il sait de quoi il parle, et la valeur testimoniale de ce livre est incontestable.
Deux Oscars du scénario
William Goldman n’est pas tout à fait personne, même s’il n’a rien d’un génie et n’en prend d’ailleurs jamais la pose. Il a remporté deux fois deux Oscars du scénario, d’abord en 1970 pour Butch Cassidy et le Kid de George Roy Hill, avec Paul Newman et Robert Redford (mais aussi la sublime Katharine Ross), et en 1976 pour Les Hommes du président de Alan J. Pakula, avec Redford à nouveau et Dustin Hoffman. De grands succès au box office qui lui ouvrent des portes… qui se referment aussitôt qu’un échec commercial pointe son nez (William Goldman consacre tout un chapitre, assez beau, à la période de cinq ans pendant laquelle personne ne l’a appelé).
Il est aussi l’auteur de Princess Bride, un roman (il écrit de très belles pages sur le bonheur que lui procura l’écriture de ce livre) dont il signera lui-même l’adaptation, dont naîtra un beau film réalisé par Rob Reiner en 1987.
Autre intérêt du livre : Goldman a l’art de l’anecdote et se livre à une galerie de portraits, soit vachards, soit profondément admiratifs, de stars de cinéma ou de réalisateurs (alors qu’il méprise plutôt les représentants de cette profession, allant même jusqu’à contester qu’ils aient pour la plupart une quelconque « vision » de quoi que ce soit) : Laurence Olivier (avec lequel il travailla sur Marathon Man), Robert Wagner, Paul Newman, Richard Attenborough (Un pont trop loin) et Clint Eastwood, en « homme simple » (Goldman écrivit le scénario des Pleins Pouvoirs), par exemple, en sortent grandis. D’autres un peu moins…
Les Aventures d’un scénariste à Hollywood de William Goldman (Éditions Capricci), choix de textes et traduction de Jean Rousselot, 398 p., 23 €.
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