Quel est votre rapport à l’actualité du cinéma ? Je suis dans ce business soi-disant malhonnête depuis vingt ans, alors j’ai des antennes. Je suis ce qui se passe, mais ça ne veut pas dire que je vais au cinéma. Je préfère voir un film dix ans après sa sortie. Pendant ma jeunesse, je voyais […]
Quel est votre rapport à l’actualité du cinéma ?
Je suis dans ce business soi-disant malhonnête depuis vingt ans, alors j’ai des antennes. Je suis ce qui se passe, mais ça ne veut pas dire que je vais au cinéma. Je préfère voir un film dix ans après sa sortie. Pendant ma jeunesse, je voyais six films par jour, maintenant c’est plutôt trois par an… J’adore la série B hollywoodienne. Ma grande influence, c’est Raoul Walsh. J’aime le cinéma hollywoodien d’avant 1962, l’époque, comme disait Samuel Fuller, où le business est passé de la Californie à Wall Street. Avec mon frère, nous venons de racheter notre ancienne salle de cinéma…
Malheureusement, plus personne ne veut voir les classiques car ils ne procurent pas une satisfaction immédiate. Trois minutes sans meurtre ou sans viol, c’est trop difficile à supporter pour les gens. Dans nos salles, nous passons des films de Pedro Almodovar ou de Jim Jarmusch, mais aujourd’hui on les trouve démodés. A une époque, les films d’Oliver Stone étaient très branchés. Puis Stone n’a plus été dans le coup, et ça a été Tarantino. Après, on a dit que Tarantino, ce n’était rien du tout.
Comment êtes-vous devenu cinéphile ?
Le premier film que j’ai vu, c’était Tarzan, mais c’est dans une cinémathèque, à 16 ans, que j’ai commencé à comprendre que le cinéma pouvait être une forme d’art, et pas seulement une distraction. J’ai commencé avec Buñuel et Flaherty, ensuite je me suis intéressé à Ozu, à la Nouvelle Vague. Quand j’étais jeune, j’ai joué dans quelques films et j’imitais constamment Jean-Pierre Léaud, mon héros… Récemment, j’ai visionné une centaine de classiques du cinéma muet, comme le Robin des Bois avec Douglas Fairbanks. Une très bonne leçon. J’avais besoin d’étudier la technique du muet avant de tourner Juha. Pourtant, je n’ai montré qu’un film à mes acteurs, le matin du premier jour de tournage : L’Aurore de Murnau.
Et Bresson ?
Si on me mettait en joue contre un mur en m’obligeant à citer trois noms, Bresson serait l’un d’entre eux. Je ne suis pas catholique, mais le thème de la pitié m’intéresse. Et quand on parle de pitié et de Bresson, on ne peut pas oublier Bernanos. Je n’ai lu que ses livres qui ont été traduits en finnois. J’aime les livres. J’ai lu tous les Balzac, tous les Kafka, tous les Camus, tous les Maupassant, tous les Erich Maria Remarque. Je lis de tout, alors il m’arrive de faire des découvertes, comme l’année dernière E. L. Doctorow et William Kennedy. Voilà mes lectures actuelles (il fouille dans son sac) : L’Inconnu du Nord-Express de Patricia Highsmith, La Vie de Chopin de Bourniquel et Noitay nipyrä, un roman réaliste contre la société écrit dans les années 20 par Pentti Haapää, un des trois meilleurs romanciers finlandais… Je lis un peu de tout, mais surtout des policiers. Là, mon auteur préféré, c’est Raymond Chandler, mais j’aime beaucoup Jim Thompson, Dashiell Hammett, Donald Westlake, Van Gulik.
Vos Leningrad Cowboys ont été les rockers les plus pointus de l’histoire du cinéma. Vous aimez le rock ?
Je n’ai rien contre Elvis Presley, mais Chuck Berry est toujours le roi. Après lui, ça n’a plus été pareil. Et quand les autres écoutaient les Beatles et les Rolling Stones, moi, j’écoutais Chostakovitch et du tango… Du côté des groupes finlandais, j’aime bien ce que fait 22 Pistepirkko. Ils m’ont demandé de faire un clip pour eux, mais j’ai dû refuser parce que j’avais un film en route. Jimi Tenor est un individualiste, ce qui est toujours bon signe. Par ailleurs, je suis aussi producteur de chansons japonaises (il fouille à nouveau dans son sac et en sort deux CD de Toshitake Shinohara, un crooner japonais vivant en Finlande).
Vos films rappellent souvent l’univers d’Edward Hopper. Est-ce conscient ?
Quand mon dernier film, Au loin s’en vont les nuages, est sorti, je me demandais ce que j’avais fait, pourquoi diable j’avais tourné ce genre de plans. Alors, quand un critique m’a parlé de Hopper, je me suis dit « Merde ! » Je me suis rappelé que j’avais acheté un gros livre sur Hopper l’année précédente. En tournant mon film, j’ai certainement imité Hopper inconsciemment. Son sens de la couleur, du cadre m’ont inspiré… D’autres peintres que j’aime ? Rembrandt, Bonnard, Goya, Delacroix, Bruegel, Otto Dix, Munch et soixante autres noms.
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Vincent Ostria
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