Le plaidoyer de Brisseau mal armé et émouvant.
LE FILM : A la sortie du film, chacun a pris position : pantalonnade machiste ou brûlot asocial, escroquerie érotique ou manifeste du désir, déchéance d’un cinéaste ou radicalisation de son art. Quoi de plus normal de se prononcer comme juré devant un film construit comme un procès ? Soit : des actrices en colère, car flouées, accusent un cinéaste qui ne demandait qu’à exercer son métier. Au centre, le secret de la jouissance féminine qui fait l’objet d’un marchandage : contre un rôle pour les actrices, comme un rêve jamais atteint pour le cinéaste. Comme arguments de défense, l’innocence de l’âge pour elles, l’innocence de l’art pour lui. Ils ont tout faux : les actrices sont naïves, le cinéaste est de mauvaise foi, le vertige érotique annoncé n’est que la tarte à la crème des exégètes hitchcockiens, la quête des sens est pauvrement filmée. La machine de guerre que pourrait être le film est si mal armée, si traître à sa propre cause qu’elle se retourne contre lui. L’évidente inefficacité du système de défense, perçue par Brisseau lui-même (“Et si je courais après du vent ?”), oblige à reconsidérer l’affaire. Reprenons depuis le début : si Les Anges… est un procès, seul le frottement entre elles des pièces à charge et à décharge permet le surgissement d’une certaine vérité. C’est dans la manière dont les défenses respectives se défaussent peu à peu que surgissent les plus beaux moments du film : un personnage jusqu’ici remonté baisse la garde et reconnaît la vanité de l’affaire. Beauté piteuse certes, où la mauvaise foi se départ des séductions de l’innocence proclamée et se reconnaît comme impuissante. Mais aussi beauté franche, et dont l’honnêteté peut toucher, lorsque la gêne s’anime encore d’un espoir – quitter la communauté des proscrits. Reste une atonalité résignée, sans colère ni désir, réfugiée dans cette voix off métallisée de science-fiction qui témoigne de l’exil du cinéaste. Il y a quelque trois cents ans, Jean-Jacques Rousseau, de manière beaucoup plus folle et spéculative, livrait un semblable autoportrait dans son Rousseau juge de Jean-Jacques.
LE DVD : Un entretien avec le cinéaste.
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